• Traduction [Reverse Book 2]

    Comme pour Un Millier de Tragédies, j'ai réalisé la traduction ci-dessous à partir du travail de Komuri No Ko en anglais. Je vous conseille vivement de lire sa traduction ou, mieux encore, de lire le texte original en japonais. Mais en attendant qu'une traduction officielle sorte, voici ma traduction amatrice de la seconde nouvelle du Reverse Book 2 :
    四十九番目の名前 (Yon juu kyuu banme no namae)



    Le 49ème Nom
    ______________________________________________________



    Faisant courir une main dans ses cheveux roux-flammes, le garçon ferma lentement son œil gauche, celui qui n'était pas recouvert par un cache-œil.

    A cet instant, l'obscurité arriva.

    Dans le monde d'un noir charbonneux, sans lumière, une voix grave demanda : « Qui es-tu ? »

    Le garçon répondit silencieusement à l'intérieur de son cœur. Celui qui succédera au Bookman.

    « Qui est le Bookman ? »

    Le Bookman est un spectateur de l'Histoire, ainsi que son chroniqueur. Il rapporte l'histoire secrète du monde et la transmet aux générations futures.

    Le rôle du Bookman était de se rendre dans chaque endroit existant, ne s'attarder nulle part, mais errer, pour peindre l'histoire selon sa vision et en rapporter ce qu'il a vu.

    « Comment doit être un Bookman ? »

    Il ne doit pas s'attacher ou être contrôlé par des émotions. Il parle avec toutes sortes de gens, puis part comme si rien ne s'était passé.

    L'émotion n'était pas nécessaire aux chroniqueurs. Ils ont seulement besoin de rapporter les choses comme elles sont, sans laisser transparaître leurs émotions.

    « Je ne te le demanderai qu'une seule fois. Qui es-tu ? »

    Le successeur du Bookman. Je prends un nouveau nom chaque fois que je me rends à un nouvel endroit, et y renonce aussitôt que je pars.


    En ce moment-même je suis également un Exorciste de la Congrégation de l'Ombre. Mon nom actuel est...


    « Lavi ! »

    Lavi ouvrit son œil gauche pour voir un vieil homme de petite taille dans des vêtements de style chinois se tenir sur le palier de la porte. Les cheveux clairsemés du vieil homme étaient réunis au sommet de sa tête, et ses yeux perçants, qui étaient étrangement lisses, étaient entourés de maquillage noir. Bien que son étrange apparence ait pu attirer l'œil de n'importe qui, il possédait un air inné qui le faisait aisément s'adapter n'importe où.

    Le vieil homme était l'actuel Bookman. Ainsi que le maître de Lavi.

    « Nous avons du travail. Commence à te préparer pour le départ. »

    Il semblait que la Congrégation de l'Ombre les avait contactés pour une nouvelle mission.

    Une bataille féroce dont se jouait le destin du monde se déroulait actuellement entre le Comte Millénaire, qui essayait de mener le monde à sa destruction, et la Congrégation de l'Ombre, un corps militaire sous le contrôle-même du Vatican. Lavi était dans la Congrégation de l'Ombre en tant qu'Exorciste, accompagné par son maître, afin que le Bookman puisse rapporter les travaux secrets de l'Histoire.

    Les Exorcistes étaient les seuls pouvant parer les Akuma, les armes que le Comte Millénaire fabriquait pour détruire l'humanité. Les Exorcistes étaient choisis par la mystérieuse matière appelée Innocence, qu'ils pouvaient contrôler. L'Innocence étant également appelée « Cristaux de Dieu », les Exorcistes étaient quelque fois connus sous le nom d' « Apôtres de Dieu ».

    Messager de Dieu, hein ? Ca ne me correspond pas. Lavi sourit faiblement.

    « Qu'y a-t-il, Lavi ? »

    « Oh, rien. »

    Il n'y avait pas plus de vingt Exorcistes à la Congrégation de l'Ombre pour le moment. Ils étaient envoyés partout à travers le monde sans un instant de répit.

    Lavi haussa les épaules dans l'uniforme noir qui était le signe de reconnaissance d'un Exorciste. Quand il portait cet uniforme, il devenait un Exorciste, bien qu'en vérité il restait l'apprenti de Bookman. « Alors, où va-t-on cette fois ? »

    « En France. »


    *

    Un garçon de petite taille regardait fixement dans une direction sans bouger, laissant le vent jouer avec ses cheveux noirs. Pas une seule tâche ne gâchait son uniforme blanc, comme pour montrer la pureté de son cœur. Le dos droit, il surveillait l'entrée de la ville intensément, comme un chien fidèle attendant que son maître revienne.

    « Il n'a vraiment pas changé... » Dit Lavi dans un souffle en regardant le garçon au loin.

    Le nom du garçon était Doug. Il était dans la Congrégation de l'Ombre en tant que Finder, chargé de réunir des informations. Doug, qui était venu aux Champs Elysées, une ville très proche de Paris, pour vérifier des rumeurs infondées, avait déterminé qu'il y avait une haute probabilité qu'un Akuma soit impliqué, et avait demandé le soutien d'Exorcistes auprès de la Congrégation de l'Ombre. C'est ce qui avait amené Lavi et son maître à accourir.

    « Qu'y a-t-il, Lavi ? » Derrière Lavi, le Bookman s'était soudainement arrêté et le regardait d'un air interrogateur.

    « Vieil homme, attend ici une seconde. » Ayant traité son maître de vieil homme, Lavi se glissa en direction de Doug.

    Les Finders voyageaient à travers le monde en cherchant des informations sur l'Innocence et le Comte Millénaire, un travail qui impliquait de perpétuels dangers. Beaucoup mouraient après être entré en contact avec un Akuma.

    En d'autres termes, les nerfs de Doug devaient être étroitement tendus, puisqu'il était au milieu d'une mission. Lavi saisit doucement le marteau qui lui servait d'arme. Le marteau, qui pouvait s'agrandir ou rétrécir à volonté, grandit visiblement.

    Ayant sans doute senti quelque chose arriver, Doug se retourna précipitamment. Ses yeux bleus s'ouvrirent largement. « Lavi ! »

    Lavi abaissa son marteau dans un balancement au moment où Doug parla. Il estima qu'il avait réussi.

    « Oh ! »

    Lavi sourit largement à Doug, qui avait saisi sa tête entre ses mains dans une expression douloureuse. « Doug, l'insouciance est interdite ! Si tu te qualifies toi-même de Finder, tu ferais mieux de toujours garder un œil sur tes arrières. »

    « C'était méchant, » Dit Doug. « On se retrouve pour la première fois après un long moment, et tout d'un coup tu fais ça ? »

    « Désolé, désolé. Tu sais, si tu rétrécis encore, tu vas ressembler à un écolier. »

    Il y avait une quinzaine de centimètres de différence entre la taille de Lavi et celle de Doug, qui était resté à environ un mètre soixante-deux. Ou bien, à l'échelle britannique, une différence de "six inches", avec Doug faisant "five foot three". Lavi baissa la tête vers Doug et lui tapota la tête, ce à quoi Doug répondit par un regard féroce. Cependant, il y avait peu de force derrière ce regard dur. Pas avec le visage d'enfant aux yeux ronds de Doug.

    « Tu es vraiment idiot pour un Finder. » Lavi tapotait l'épaule de Doug et rit lorsqu'il sentit une présence démoniaque derrière lui.

    « Ha ! »

    Lavi n'eut pas le temps de se retourner qu'il reçut un puissant coup de pied dans le dos et tomba à la renverse.

    « Arrête de faire l'idiot, imbécile d'élève. Nous devons commencer à travailler. »

    Lavi roula comme un matelas mal ficelé jusqu'à ce qu'il se cogne dans un mur. Il se redressa couvert de poussière. « Tu n'avais pas à me donner un coup de pied ! » Hurla t-il pour protester. Mais le Bookman ne regardait déjà plus dans sa direction. Lavi envoya un regard profond de reproche au Bookman et à Doug, qui se faisaient face l'un l'autre.

    « Ca fait longtemps, Bookman. » Se tenant haut et droit, Doug inclina la tête.

    Le Bookman acquiesça légèrement de la tête en signe d'agrément. « Ca fait un moment, Doug. Je suis content de voir que tu te portes bien. »

    « Tu fais ça à la perfection, vieil homme, » murmura Lavi placidement en brossant son uniforme.

    « Quoi qu'il en soit, vous devez vous sentir fatigués après votre longue journée, » dit Doug. « Pourquoi n'iriez-vous pas dîner dans une taverne près d'ici pendant que je rapporte les résultats de mon investigation ? »

    Lavi regarda attentivement Doug s'éloigner. Position parfaite et pas inébranlables, il n'avait vraiment pas changé depuis tout ce temps.

    Non, c'était faux. Il y a tout juste un moment, il avait une expression décontractée et avait agit sans réserve. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés pour la première fois, Doug osait à peine rencontrer les yeux de Lavi. Maintenant cela semblait faire partie du passé.

    Pendant que Lavi faisait défiler sa mémoire, Doug se retourna. En refermant un peu ses yeux, il observa Lavi. « Tu es un peu différent, Lavi. »

    Pendant un instant, Lavi pensa que Doug avait lu dans son esprit. « Hein ? Comment ça ?»

    Doug fit apparaître un sourire, et ses yeux étaient doux. « Maintenant tu me regardes enfin dans les yeux quand on parle. »

    « ... »

    Lavi se rappela ce que Doug lui avait dit lorsqu'il était entré à la Congrégation pour la première fois.

    « Ton œil est comme un miroir. Il me reflète, mais c'est tout. Rien n'habite à l'intérieur. »

    Cela devait remonter à environ un an.

    Lavi baissa la tête vers son uniforme. Quelque part, c'était pour lui devenu une habitude de tous les jours de le porter.

    « C'est la deuxième fois qu'on travaillait ensemble, alors. J'attends la prochaine fois avec impatience, Lavi. » Le sourire de Doug était aussi lumineux qu'un tournesol en été.

    « Ouais, pareil pour moi. »

    Doug sourit avec joie.

    Il est vraiment facile à lire, pensa Lavi.

    A ce moment-là, l'expression de Doug était remplie de confiance envers Lavi. Elle enveloppait Lavi avec une chaleur plus grande que celle du soleil, qui se déplaçait du haut du ciel jusqu'à l'horizon.

    *

    « Depuis combien de temps cette rumeur court ? » Dit Lavi en élevant la voix pour se faire entendre.

    Il ne faisait pas encore nuit que la taverne sur la rue principale de la ville était déjà pleine à craquer d'une foule d'hommes qui semblaient être artisans. Il y avait tant de monde que le moindre geste bousculait le voisin d'à côté. La fumée d'une pipe ainsi que l'odeur de viande grillée remplissait la taverne, et, mélangé avec le bruit d'hommes qui riaient et parlaient, donnait l'impression que l'endroit était plein d'une excitation si brûlante qu'il pouvait exploser au moindre geste.

    Peut-être habitué à cette ambiance, Doug parla par réflexe avec une voix élevée, imperturbable. « Prenons d'abord nos commandes. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez manger ? »

    A la question de Doug, le Bookman secoua la tête. « Non, choisis quelque chose toi. »

    « Je suis affamé moi, alors je prendrai n'importe quoi en grande quantité ! » Hurla Lavi, poussant le Bookman sur le côté. Depuis un moment il avait tellement faim qu'il avait du mal à marcher.

    Doug rit et acquiesça, puis s'adressa à une jeune femme qui était venue prendre leur commande. « Qu'est-ce que vous pourriez nous recommander aujourd'hui ? »

    « Nous avons du bœuf bourguignon. Que diriez-vous d'un peu de pommes de terre et de haricots bouillis avec du sel en accompagnement ? »

    La bouche de Lavi commença à saliver rien qu'en l'écoutant. « Ca a l'air délicieux ! J'en veux cinq de ça alors ! » En considérant l'état de son estomac, ça devait être suffisant.

    « Cinq !? » Fit la voix de Doug.

    Lavi lui sourit pour le rassurer. « Ne t'en fais pas, je vais tout manger ! »

    « Vraiment ? Dans ce cas, nous avons aussi du pain et du fromage bleu. Et de l'eau minérale en bouteilles. »

    Peu de temps après, leur repas fut apporté. Faisant doucement s'entrechoquer leurs verres ensemble, Doug commença à parler.

    « Les rumeurs que j'ai mentionné sont apparues il y a un ou deux mois. A tel point que même les enfants de la ville les connaissent. Cependant, leur origine est floue. »

    Une étrange rumeur s'était répandue dans cette ville des Champs Elysées, située au nord-ouest de Paris. Selon la rumeur, si on priait la « Statue de la Déesse de l'Aube » à l'intérieur de la forêt à la périphérie de la ville, quelqu'un qui était décédé revenait miraculeusement à la vie.

    Lavi repensa aux rapports qu'il avait entendu à la Congrégation tout en tranchant des morceaux de pain et en les jetant fermement dans sa bouche. Le pain frais était croustillant à l'extérieur, mais tendre à l'intérieur, rendant la texture lisse sur sa langue.

    « Es-tu allé voir cette soi-disante statue ? »

    A la question du Bookman, Doug prit une expression abattue et secoua la tête. « Je suis désolé. J'ai demandé au plus grand nombre de gens que je pouvais, mais je n'ai trouvé personne qui connaisse précisément sa localisation. Je suis également allé dans la forêt pour la chercher, mais il y a une multitude de jardins surdimensionnés et vastes qui pourraient contenir la statue de la déesse, et je ne peux pas identifier quelle statue est la bonne. »

    « Je vois... Cependant, tu nous as appelé nous les Exorcistes. Tu dois donc avoir trouvé quelque chose qui ait un rapport avec l'Innocence ou le Comte Millénaire ? » Demanda le Bookman.

    « Oui. Pas de doute, il y a quelque chose qui se trame dans cette ville. Ce que je veux dire par là, c'est qu'un nombre inhabituel de gens ont été portés disparus ces derniers mois. »

    « Qui est de ? »

    « Quatorze, et ces personnes ne sont que celles que j'ai pu confirmer moi-même, » Dit Doug.

    « Ce qui équivaut à approximativement une personne tous les deux jours... » Dit le Bookman.

    « Par ailleurs, ce nombre comprend seulement les résidents des Champs Elysées. Comme c'est près de Paris, les gens vont et viennent sans arrêt. Il se pourrait que d'autres personnes, pas seulement les habitants des Champs Elysées, disparaissent. Pour dire la vérité, j'ai entendu bon nombre d'histoires sur des visiteurs qui abandonnent leurs chambres d'hôte sans rien dire à personne et qui ne reviennent jamais. »

    « Je vois... » Dit le Bookman avec une expression songeuse.

    Lavi l'observa attentivement, sans cesser de mâcher la nourriture dans sa bouche. Le bœuf, bien cuit, était tendre. Lavi se perdit lui-même dans le parfum incertain du vin, et la saveur qui emplissait sa bouche.

    Essayant d'attraper un autre morceau avec sa fourchette, la main de Lavi glissa.

    Oh mince.

    Le morceau de viande s'envola pour atterrir de plein fouet sur le visage du Bookman.

    Lavi tenta de s'excuser, mais c'était trop tard. Le poing du Bookman cogna le sommet de sa tête à la vitesse de la lumière.
    La force était suffisante pour faire voir des étoiles à Lavi.

    « Tu es incroyable. Est-ce que tu écoutes seulement !? » Rugit le Bookman, retirant la viande qui glissait le long de son visage avec exaspération.

    Agrippant sa tête entre les mains, Lavi regarda le Bookman avec reproche. Il bouge tellement vite. Je n'ai pas le temps de m'excuser ou d'esquiver. « Vieux fossile ! »

    « Tu as dis quelque chose ? » La lueur dans les yeux du Bookman lorsqu'il se retourna pour envoyer un regard sombre à Lavi était tout à fait effroyable.

    Lavi se redressa. « J'écoutais moi aussi ! Il était en train de parler de la façon dont beaucoup de gens avaient disparu, pas vrai ? Mais cette ville est tellement proche de Paris alors est-ce que la plus part de ces personnes ne seraient pas simplement sorties pour aller s'amuser ou travailler ? Les circonstances ne m'ont pas l'air si suspectes que ça. »

    « Hmm... » Dit le Bookman.

    Il était bien connu que, pendant un certain nombre d'années, les gens du pays ainsi que des étrangers d'Allemagne et d'autres pays avaient émigré à la recherche de travail, augmentant subitement la population de Paris. La remarque de Lavi était juste, et le Bookman resta silencieux.

    Doug dit alors : « Il est possible que ça n'ait aucun rapport avec cette affaire. Cependant, j'ai entendu une autre rumeur qui ne peut être ignorée. »

    « Laquelle ? » Demanda Lavi.

    Doug commença à ouvrir la bouche, mais jeta à la place un regard vers la table adjacente. « Parfait... veuillez écouter la discussion de ces hommes à côté de nous pendant un moment. »

    Les deux hommes - qui semblaient être tous les deux laboureurs - parlaient fort, et il n'était pas difficile d'entendre ce qu'ils disaient.

    « Ah ouais, t'as entendu parler de ce gars là, Dresselle, qui errait au milieu de la nuit ? »

    « Dresselle ? » Le jeune homme, qui semblait avoir environ vingt ans, regardait le plus âgé avec une expression stupéfaite.

    L'aîné qui était bien bâti, et qui semblait être le chef, acquiesça de la tête. Il avait des yeux perçants et une forte présence. « Ca m'étonne pas que t'en ait jamais entendu parler, vu que tu viens juste de quitter la cambrouse. Je parle du gars le plus riche de la ville. Jérôme Dresselle. L'un de ces 'bourgeois'. Il fait dans le prêt-à-porter pour les gentilshommes, et il a gagné un paquet d'argent. A part son énorme manoir, il a aussi une maison de vacances ; il vit dans le luxe. Y a un type qui vit dans un monde différent du nôtre, nous qui vivons dans une chambre de grenier serrée et qui travaillons pour not' vie. »

    « Il en a de la chance... moi je me tue au travail dix heures par jour et m'estime heureux quand j'arrive à avoir un repas décent. » Le jeune homme soupira longuement.

    « T'sais, moi j'dirais pas trop qu'il est chanceux. J'ai entendu dire que sa femme était morte y a un mois, et qu'il s'est enfermé lui-même dans son manoir puis en est jamais r'ssorti. »

    Il y a un mois. Lavi jeta involontairement un regard à Doug. Doug hocha la tête silencieusement.

    « Mais j'ai entendu dire qu'il marche sans but dans la ville la nuit, » dit le jeune travailleur. « Je me demande ce que ça veut dire. »

    « Et son fils n'a pas connu un meilleur sort non plus. »

    « Serge, tu veux dire. Il était vraiment proche de sa mère, alors pendant un moment il est devenu fou. Il était bourré et boitait dans la ville. Mais il m'a l'air d'aller mieux. »

    « Moi il m'a juste l'air d'un de ces imbécile de fils dont le seul talent est de claquer tout son fric. » Le plus âgé rit méprisamment.

    « Ils n'ont plus beaucoup de domestiques non plus. Maintenant ils n'ont plus que cette petite femme de ménage qui vient de Paris à ce qu'on raconte. »

    « Oh, cette fille ? Elle aussi elle a un regard encore plus menaçant qu'avant depuis la mort de cette femme, » remarqua le plus âgé.

    « Il y a une gamine qui ne s'est jamais comportée comme une enfant. Maintenant quand je la croise dans la rue, j'ai beaucoup trop peur d'aller lui parler. » Il fit semblant d'être effrayé, et les gens autour de lui rirent.

    « Les femmes sont effrayantes même quand elles sont petites. »

    Doug jeta un regard de côté aux hommes qui riaient, et dit : « Comme vous pouvez le constater, la rumeur s'étend à travers la ville. Il y a un mois, Jérôme Dresselle a perdu sa femme et s'est enfermé dans sa chambre. Il semble que son fils Serge ait été hors de contrôle. De plus, bien que je m'en sois seulement aperçu maintenant, il y a eu un changement chez la femme de ménage également. Juste avant ou après l'incident, des rumeurs à propos d'une « Statue de la Déesse de l'Aube » qui peut ramener des morts à la vie sont nées. Est-ce que ça pourrait avoir un rapport avec toutes ces personnes disparues, et est-il improbable que ces trois faits puissent être liés à un Akuma ? »

    Les Akuma étaient des armes maléfiques engendrées par des tragédies.

    Le Comte Millénaire et ses messagers apportaient une douce tentation aux personnes en deuil qui avaient perdu un être cher. Se raccrochant à l'idée absurde qu'il pouvait ramener des morts à la vie, celui qui était en deuil appelait le nom de la personne défunte ; et tout se transformait dès lors en enfer.

    L'âme rappelée par une personne chérie était emprisonnée dans un squelette fait de Matière Noire, puis s'imposait lui-même dans le corps de la personne qui l'avait ramené.

    Ce qui en restait était réduit au jouet du Comte, l'une de ses machines tueuses, et Akuma. Pire encore, il était impossible de reconnaître un Akuma en tant que tel car il revêtait de la peau humaine.

    Le Bookman hocha légèrement de la tête. « La mort de cette femme, un conjoint qui a perdu un être cher, et des rumeurs sur une personne morte qui est ramenée à la vie. Sans parler du fait qu'un bon nombre de gens aient été portés disparus ; tout a commencé il y a un mois. Allons d'abord à la source des rumeurs, au manoir de Dresselle. »

    « Merci, » Dit Doug.

    Le Bookman se leva et regarda Lavi fermement. « Lavi. »

    « Je sais. » Lavi abaissa sa fourchette et regarda le Bookman.

    D'après les informations qu'ils venaient d'apprendre, il y avait une grande chance qu'un Akuma soit proche de Jérôme. La visite dans son manoir pourrait se transformer en bataille, ce qui impliquait que Lavi ne devait pas baisser sa garde.

    Vraiment, le panda se fait trop de souci. Lavi sourit amèrement en regardant le maquillage noir qui bordait les yeux du Bookman. Je ne ferai pas un seul faux pas. Je sais que n'importe qui peut être un Akuma, n'importe quand, n'importe où.

    Lavi sentit les profondeurs de son esprit s'éclaircir.

    « Et bien dans ce cas, allons-y. » Déclara le Bookman.

    Doug hocha de la tête et se leva.

    Les nerfs tendus, tous les trois quittèrent la taverne encore agitée.

     

    « C'est par là. Vous pourrez vous en rendre compte vous-même quand on approchera. »

    Sous la direction de Doug, le groupe de Lavi se dirigea vers le manoir de Jérôme Dresselle.

    « Je vois... » Murmura Lavi sans réfléchir.

    Il pouvait effectivement dire qu'ils étaient proches. Ils arrivaient en vue d'un paysage complètement différent des rues qu'ils venaient de traverser. Visible au centre de bâtiments lisses en bois qui s'alignaient dans la rue, il y avait une porte arquée, brillant d'un éclat doré dans le soleil couchant. Lavi pouvait discerner les élégantes décorations faites avec le motif d'une plante.

    « Quel manoir spectaculaire ...! » S'exclama Lavi en admiration une fois arrivés devant la porte.

    Un grand manoir qui semblait avoir traversé un bon nombre d'années s'élevait de façon imposante au centre d'un spacieux jardin avec des statues placées ici et là. Tout comme la porte d'entrée, les bordures des fenêtres et des portes arboraient un design de renforcement élaboré, rendant le manoir impressionnant comme pour rétrécir celui qui le regardait.

    Quand ils actionnèrent la sonnette près de la porte d'entrée, une fille de petite taille sortit du manoir. Elle portait un tablier blanc par-dessus une robe bleue. Un uniforme de femme de ménage. Ce devait être la fille mentionnée au bar.

    La fille s'approcha lentement de la porte d'entrée, faisant se balancer ses cheveux châtains rassemblés en deux couettes. Aucune innocence enfantine n'apparaissait sur son visage, seulement une sévère tension.

    « Qui pouvez-vous bien être ? » Demanda la fille froidement de l'autre côté de la porte entrouverte. Ses grands yeux marron étaient remplis de suspicion.

    « Nous sommes envoyés par le Vatican. Êtes-vous la femme de ménage de ce manoir ? » Demanda Doug gentiment. Ca ressemblait tellement au Doug déterminé de montrer une sincérité parfaite même avec un enfant.

    « Oui, c'est moi », répondit la fille sans éloigner ses yeux de Doug.

    Bien qu'elle fût comme il se l'était imaginé, il s'aperçut au second regard qu'elle était vraiment jeune et petite.

    « Quel âge as-tu ? » Demanda Lavi sans réfléchir. Elle était plus petite que le Bookman, ses membres aussi fins que ceux d'un arbre. La fille devant eux ne devait pas avoir plus de huit ans.

    « J'ai dix ans, mais demain j'en aurai onze. Qu'est-ce qui peut bien vous amener par ici ? » Répondit la fille indifféremment. Il y avait derrière ses manières dignes et fermes une force qui aurait pu faire hésiter même un adulte. Comme les hommes de la taverne avaient dit, elle était plutôt imposante pour son âge.

    « Nous souhaiterions rencontrer Jérôme Dresselle... »

    « Le maître ne se porte pas bien. Il ne voit plus personne, » dit la fillette fermement, sans hésitation. Il était clair d'après le ton qu'elle avait employé qu'elle était passée par cet échange un nombre incalculable de fois. « Je vous prie de partir. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser. »

    Sur cette note, la fillette leur tourna le dos, sans leur demander pourquoi ils étaient venus.

    Confus, Doug agrippa les barreaux de la porte et l'appela : « Heu... attendez un moment s'il vous plaît ! »
    « Colette ! Est-ce que nous avons des invités ? » A ce moment-là, un jeune homme émergea du manoir et s'avança vers eux.

    « Maître Serge. » La fillette, qu'il avait appelé Colette, regardait le jeune homme avec surprise.

    Serge ; alors il devait être l'unique fils de cette maison. Lavi dévisagea de près le jeune homme qui était grand. Il ne pouvait pas avoir plus de vingt ans. Il avait des cheveux blonds et bouclés ainsi que des yeux bleus ciel. Ses joues étaient blanches et lisses, comme celles d'une fille. Dans son fin costume coupé sur mesures, il ressemblait à un jeune noble. Même la grâce qu'il possédait en marchant de manière calme vers eux montrait sa bonne éducation.

    Doug regarda Serge avec une expression nerveuse. Il avait probablement peur qu'ils se fassent cette fois encore rejeter sur le palier de la porte.

    « J'étais en train de regarder à travers le store de la deuxième fenêtre... je me demandais si par hasard... » Serge dirigea ses yeux vers la poitrine de Lavi. « C'est la Croix de Rose ! Êtes-vous des serviteurs de la Congrégation de l'Ombre ? »

    Doug, soulagé, acquiesça. « Oui, c'est exact. Nous sommes passés dans l'espoir d'être autorisés à parler avec Maître Jérôme, voyez-vous... »

    « Vraiment ! Cependant, j'ai peur que mon père ne se sente pas très bien... mais nous pouvons discuter ensemble si vous le souhaitez. »

    A cette offre importune, Doug hocha la tête. « Avec joie ! Merci ! »

    « Colette, ouvre la porte d'entrée. »

    Commandée par Serge, Colette, toujours inexpressive, déverrouilla la porte.

    « Je vais accueillir les invités à l'intérieur, alors va devant et prépare le thé, » Dit Serge.

    « Oui, monsieur. » Colette hocha la tête en signe de consentement et accourut à l'intérieur du manoir.

    « Je suis désolé. C'est une fille assez peu sociable. »

    « Mais elle a quoi, seulement dix ans ? Pourquoi engager une aussi jeune fille en tant que femme de ménage ? » Demanda Lavi, en suivant Serge dans le manoir.

    Serge fit un sourire amer à sa question impolie. « L'année dernière, son père, qui cousait dans une usine à Paris, est tombé malade. Il croulait également sous les dettes, et comme il nous avait accordé un contrat de sous-traitance auparavant, nous ne pouvions pas rester là les bras croisés. Nous lui avons donc prêté de l'argent. Mais comme il n'avait aucun moyen de nous rembourser, sa fille Colette est venue travailler pour nous en tant que femme de ménage. »

    « Je vois... »

    Il n'était pas rare que les enfants aillent travailler si leur foyer se trouvait dans le besoin. A Paris et dans d'autres grandes villes, la pauvreté et les problèmes qui l'accompagnaient augmentaient sans cesse. Certains soutenaient que les conséquences de la pauvreté étaient plus sévères en ville que dans les villages ruraux. Les difficiles conditions de travail faisaient pression sur le budget familial, et beaucoup de foyers avaient été détruits. Le fossé entre les classes pauvre et riche comme l'aristocratie et la bourgeoisie devenait de plus en plus profond.

    « Mais elle est tellement jeune, ça doit être difficile pour elle... » Une ombre envahit le visage de Doug. Son cœur devait montrer de la sympathie envers la pauvre fille. Doug était un Finder formidable, mais il était facilement distrait par les émotions.

    Honnêtement, il est trop naïf.

    C'était sa force, et sa faiblesse.

    « Ouch ! » Lavi sentit une petite douleur dans son derrière et se retourna. Le Bookman, une aiguille d'acuponcture à la main, le regardait avec une expression effrayante.

    « Qu'est-ce que j'ai fais pour mériter ça cette fois, Panda ? »

    « La conversation est partie en fumée quand tu t'es incrusté dedans. Garde ta bouche fermée un moment, » souffla le Bookman silencieusement.

    Doug continua adroitement la conversation et commença à chercher des informations à la place de Lavi, qui gardait la bouche fermée à contrecœur. « Mais pour payer les dettes de l'usine de couture à la place de quelqu'un d'autre, ton père doit être une personne très réfléchie. »

    Serge sourit, conforté. « Oui... je le respecte. Après que ma mère nous ait quittés, énormément de gens inquiets sont venus pour rendre visite à mon père. Malheureusement, il s'est retrouvé enchaîné au lit à cause d'une maladie. Entrez. » Serge ouvrit la porte du manoir pour eux.

    Un grand espace se découvrit devant les trois visiteurs. Il était clair qu'aucune dépense n'avait été épargnée dans le vestibule. Un nombre incalculable de portraits décorait les murs. Les lampes accrochées et autres décorations étaient toutes réalisées par la main adroite d'un artisan.

    Cependant, le sol était poussiéreux, et l'intérieur faiblement éclairé. Il n'y avait qu'une seule femme de ménage pour un aussi grand manoir et elle ne pouvait pas parvenir à tout nettoyer.

    Lavi trouva un aspect morne à ce manoir qui à première vue lui avait semblé béni.

    « Par ici, s'il vous plaît... »

    Le salon dans lequel Serge les avait fait venir était également spacieux. Marchant sur le doux tapis, tous les trois prirent place dans le canapé en velours.

    Colette apporta immédiatement le thé. Disposée sur la nappe blanche comme de la neige se trouvait de la fine porcelaine au motif de roses grimpantes.

    « Ooh, merci. Ca sent bon. » Lavi essaya de lui parler, mais Colette resta silencieuse.

    Doug observa silencieusement Colette accomplir ses tâches, semblant vouloir lui parler. Il devait probablement se souvenir de ce qu'il avait entendu sur sa vie.

    Le Bookman regarda Doug, le persuadant d'agir. Doug remarqua son regard et se dépêcha de détendre son expression. Apparemment, le rôle de poser des questions reviendrait comme auparavant à Doug.

    Doug, sa bonne humeur revenue, s'éclaircit la gorge doucement et fit face à Serge avec un sourire posé. « Mes excuses pour cette visite si soudaine. Nous sommes de la Congrégation de l'Ombre, et en ce moment nous cherchons des informations sur la mystérieuse « Statue de la Déesse de l'Aube » dont nous avons récemment entendu dire qu'elle se trouvait dans cette ville. Nous espérions parler avec M. Jérôme, une figure locale sûre. »

    « Statue de la Déesse de l'Aube... oh oui, nous avons en effet reçu un visiteur. Un individu douteux qui se prétendait diseur de bonne aventure ou quelque chose dans le genre. » Serge grimaça, comme pour montrer qu'il était révolté.

    « Vous avez rencontré ce diseur de bonne aventure ? Comment se présentait-il ? »

    « Il portait une capuche noire jusqu'aux yeux, alors je ne pouvais pas très bien voir son visage. Cependant, je peux dire que c'était un homme sacrément bien bâti et qui se trouvait à la fleur de l'âge. Je l'ai invité sans vraiment m'en préoccuper tout d'abord parce qu'il disait venir afin de présenter ses condoléances. Mais lorsque j'ai commencé à l'écouter attentivement, il a commencé à raconter quelque chose de questionnable à propos de la façon dont on pouvait ramener les morts à la vie si on priait la statue de la déesse. Il a du avoir vent de la mort de ma mère. Les arnaqueurs dans son genre ont vraiment les oreilles aiguisées. » Les joues blanches de Serge devinrent visiblement rouges de colère. Il semblait proie à un facile emportement dû à son tempérament. « Qu'est-ce que représente la mort d'une personne pour eux ? Comment peuvent-ils faire des affaires sur quelque chose comme ça !? »

    « Vous ne l'avez pas cru, alors. »

    Aux mots de Doug, les yeux bleus ciel de Serge s'élargirent de mortification. « Bien sûr que non. Est-ce qu'il se prenait pour un dieu, en disant que les morts pouvaient revenir à la vie ? Il avait l'air suspect depuis l'instant où je l'ai vu. Il portait un manteau à capuche qui cachait entièrement son corps et son visage, et il était accompagné par une étrange chauve-souris. On aurait dit le spectre de la mort. »

    Doug et ses compagnons se regardèrent l'un l'autre. Un énigmatique diseur de bonne aventure ; est-ce que ça pouvait être cet homme ?

    Voyageant autour du monde de fond en comble, continuant à créer des jouets grotesques, et essayant de mener le monde à sa destruction ; le Comte Millénaire ?

    « Avez-vous entendu où la Statue de la Déesse de l'Aube se situait ? »

    « Non, parce que je l'ai fait partir. » Dit Serge pour finir.

    « Alors vous ne savez pas où elle est, et n'êtes pas allé la chercher ? »

    « Non ! C'est ce que je suis en train de dire ! » Serge baissa sa tasse lourdement, avec violence. Le thé partit sur les côtés, et des tâches brunes apparurent, salissant la nappe. « Je suis désolé. Je me suis emporté. »

    « Non, je suis désolé. Je ne voulais pas vous importuner. »

    Aux mots de Doug, Serge baissa les yeux. Ses longs cils tremblaient, et il pressait ses lèvres ensemble. Il semblait retenir ses larmes.

    « Ma mère était une gentille personne... elle souriait toujours. Elle est passée de l'autre côté il y a un mois, mais quand je pense à sa mort je sens toujours un poids dans ma poitrine... comme je suis pathétique. »

    « Non, pas du...»

    Serge secoua lentement la tête. Ses boucles blondes se balancèrent. « Juste quand je dois devenir plus fort. C'était un choc pour mon père, et il est resté enfermé dans sa chambre. Ca semble être plus un problème moral que physique. Un physicien a dit que la seule chose qu'on pouvait faire pour l'instant était de le laisser tranquille, alors je songe à aller me reposer dans notre maison de vacances. » Envisagea Serge.

    « Au fait, qu'est-ce que vous faites maintenant, Serge ? »

    Une pointe de confusion apparut sur le visage de Serge, comme si Doug lui avait demandé quelque chose d'inattendu. « Moi ? Je m'entraîne actuellement à reprendre les affaires de mon père. »

    « Alors tu n'es pas souvent à la maison ? » Demanda Doug.

    « C'est vrai. Des fois j'étudie des documents ici, mais... je suis souvent en dehors de la maison. » Quand il parlait de lui-même, Serge était vague.

    Lavi dévisagea Serge attentivement. Ou bien il n'aimait pas parler à des étrangers, ou alors il y avait des détails dont il parvenait difficilement à parler.

    Dans la taverne, la foule parlait de lui comme d'un fils gaspilleur qui menait une vie de débauche. Pour l'instant, il avait l'air d'un jeune homme qui se souciait de son père et s'appliquait dans son travail. Quelle personnalité lui correspondait vraiment ?

    « Maître Serge. » Colette s'approcha silencieusement de Serge. « Le Baron Lebrun est ici et souhaite rencontrer le maître. »

    « Encore ? Mon père ne se porte toujours pas mieux. Dis-lui de partir ! »

    « Oui, monsieur... » Colette hocha de la tête avec une expression sombre et quitta la pièce.

    Serge, ne cachant pas son tempérament de feu, serra de façon irritée les bras de sa chaise. « Excusez-moi d'avoir élevé la voix. Depuis que mon père n'est plus au mieux de sa forme, les gens n'en ont plus fini d'arriver en disant vouloir acheter le diamant. Ils doivent penser qu'ils peuvent tenter leur chance à présent, pendant que mon père est malade. Ils sont comme des vautours. »

    « Hm... de quel diamant s'agit-il ? »

    Pris au dépourvu, Serge regarda Doug. « Excusez-moi, je m'attendais à ce que des visiteurs qui ne viennent pas de la région ne soient pas au courant de cela. Je faisais allusion au diamant en pendentif transmis de génération en génération dans la famille Dresselle. » Serge se leva et se tint devant la cheminée.

    Au dessus de la cheminée se tenait un portrait. Avec tous les détails minutieux qui y étaient dessinés, le portrait paraissait si réel qu'on aurait pu croire qu'il pouvait se mouvoir à tout instant. Un artiste talentueux devait l'avoir peint.

    Le portrait représentait un homme à la fleur de l'âge avec des yeux bleus ciel qui brillaient grâce à une forte lumière. Il portait un costume et une moustache brune. Sans doute était-ce sa figure haute et imposante qui donnait à Lavi l'impression d'un rocher immobile.

    « C'est un portrait de mon père Jérôme. »

    Alors ils étaient, contre toute attente, capables de voir Jérôme. Le bijou dont le revers brillait d'un éclat argenté attira l'œil de Lavi.

    « Il porte le diamant en pendentif sur sa poitrine, » Dit Serge.

    « C'est un pendentif incroyable. Combien de carats fait-il ? » Lavi regarda Serge. Peut-être était-ce dans sa nature d'apprenti chroniqueur, mais il ne pouvait s'empêcher de s'intéresser aux chiffres.

    Serge fit gonfler sa poitrine avec une pointe d'orgueil. « A peu près 300 carats. »

    « C'est incroyable », dit Doug d'un ton impressionné.

    « Il est vrai que les diamants de cette taille sont rares... mais si ce n'était qu'un diamant, il ne serait pas autant convoité. Ce pendentif est connu sous le nom de « Diamant de la Bonne Fortune ». Apparemment les affaires commerciales de la famille Dresselle ont continué d'augmenter après avoir obtenu le diamant. »

    « Un diamant qui apporte bonheur et santé... Seras-tu le prochain à en hériter, Serge ? »

    « Oui, c'est exact. Puisque je suis fils unique. » Serge fut dès lors absorbé dans la contemplation du diamant représenté dans le portrait.

    Ainsi le diamant, un trésor d'une grande valeur qui disait apporter la bonne fortune, allait devenir la propriété de Serge, et était la raison pour laquelle il était si nerveux.

    « Je m'excuse pour cette conversation monotone et narcissique. » Serge retourna sur le canapé et regarda la nappe. « Oh, il n'y a plus de thé. Colette ! » Cria t-il en direction de la porte.

    « Vous n'avez pas d'autre domestique à part cette fille Colette ? » Demanda Lavi. A en juger par la taille du manoir, il y aurait besoin d'au moins cinq ou six domestiques.

    Le Bookman envoya un regard sombre à Lavi, mais ne dit rien cette fois. Ou il aurait abandonné, ou Lavi ne se serait pas écarté du sujet principal.

    « Non, pas pour le moment. Mon père a commencé à perdre son sang-froid, et les uns après les autres ils ont été renvoyés... »

    « Est-ce que ça signifie que Colette est la préférée de Jérôme ? » Demanda Lavi.

    « C'est exact. Mon père a eu pitié d'elle dans sa malchance et a décidé de prendre soin d'elle. »

    « Je suis sûr que ta mère éprouvait également de l'affection envers Colette », dit Doug nonchalamment. Il devait s'être souvenu des rumeurs selon lesquelles Colette avait changé après la mort de la femme. Les chances qu'elle soit un Akuma étaient donc fortes.

    « En effet, c'est vrai. »

    « Dans ce cas, la mort de ta mère a du être un choc pour elle également. »

    « Oui, mais comme vous l'avez remarqué, et bien, c'est une enfant brave, et elle ne s'est pas laissée décourager. »

    « Vraiment... » Doug regarda Lavi comme pour vérifier sa réaction. Lavi hocha légèrement de la tête.

    Ils étaient arrivés à un point suffisamment satisfaisant pour pouvoir désormais arrêter la discussion.

    Doug, offrant un sourire amical, se leva. « Merci d'avoir parlé avec nous malgré que vous soyez si occupé. Nous allons rester en ville pour faire des recherches, alors nous pourrions revenir vous rendre visite pour voir si quelque chose de nouveau se produit. »

    « Je vois. Si quelque chose arrive, je pourrais essayer de vous en informer... où comptez-vous aller ? »

    « Nous n'avons pas encore choisi d'endroit pour cette nuit. Je viendrais demain pour vous dire où nous nous trouvons. »

    « Je vois. Je pourrais être sorti du manoir, au quel cas je vous prie de laisser un message à Colette. »

    « Je le ferai. Veuillez nous excuser. » Déclinant fermement l'offre de Serge qui proposait de les accompagner jusqu'à la porte d'entrée, tous les trois laissèrent le manoir derrière eux.

    Une fois sortis, Lavi s'étira. « Dans la taverne, ils qualifiaient Serge d'imbécile, mais quand nous l'avons rencontré il semblait plutôt décent. »

    « Je me le demande... » Murmura Doug.

    « Tu ne le crois pas ? »

    « Et bien, ses yeux me dérangent. »

    « Ses yeux ? »

    « On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Et c'est sans aucun doute à travers nos yeux que nos véritables sentiments sont le plus visibles. Je peux définir l'état mental d'une personne en regardant dans ses yeux. »

    “Ca me rappelle que tu as déjà dit ça auparavant...”

    Lorsque Lavi avait rejoint l'Ordre, peu importe les efforts qu'il avait employé pour essayer de parler à Doug, il refusait de regarder le visage de Lavi, comme si ça l'insupportait.

    Lorsque Lavi avait insisté malgré cela, Doug lui avait clairement dit : « Tes yeux sont comme un miroir. Tu ne vois les gens que comme des réflexions, sans jamais montrer ton vrai cœur. Je ne peux pas m'imaginer avoir une conversation décente avec quelqu'un comme ça. »

    Même cette dispute était à présent un souvenir plaisant.

    « Les yeux de Serge étaient comme un miroir embrumé. » Devenir l'un des Finders chargés de rechercher et réunir des informations devait avoir aiguisé ses talents innés, mais ses capacités de discernement étaient stupéfiantes.

    « Alors tu veux dire que Serge mentait ? »

    « Non... mais il cherchait à cacher quelque chose, c'est sûr. Il était amical, mais ses yeux vagabondaient incertainement ici et là. Bien que cela puisse être du au fait non pas que nous faisons partie de la Congrégation de l'Ombre, mais simplement parce qu'il ne supporte pas les visiteurs importuns. »

    « Maintenant que tu le dis, il avait l'air plutôt instable émotionnellement. Ce qu'il prétend par ailleurs être dû au fait que son père se soit enfermé dans la maison. C'est différent de la rumeur à la taverne. »

    « Ce qui se produit la nuit pourrait être comparé au somnambulisme. Et Serge pourrait en être inconscient car il dort la nuit, » dit Doug.

    « Et pour Colette ? »

    « Elle a complètement fermé son cœur... mais je ne sais pas encore si c'est à cause de son enfance cruelle ou non. »

    « Et ben, à ce stade tout le monde est suspect. » Tous les aspects de l'affaire manquaient d'indices concluants. Lavi laissa échapper un soupir.

    « C'est vrai. Si nous pouvions rencontrer M. Jérôme, on pourrait en savoir un peu plus. Par ailleurs, j'écouterais volontiers ce que Colette a à dire. En tant que femme de ménage, elle doit posséder quelques informations secrètes à propos du manoir. »

    « Et bien, en parlant du loup, » dit Lavi. Il dirigea ses yeux vers la porte d'entrée. Colette venait en effet de sortir. Lorsqu'elle les remarqua, elle s'arrêta net. Elle devait avoir pensé qu'ils étaient déjà partis.

    « Hey, merci pour ce délicieux thé un peu plus tôt. » Souriant de sorte à ne pas l'effrayer, Doug s'approcha d'elle.

    Mais Colette les regardait comme un chien de garde qui viendrait d'apercevoir un voleur.

    De toute manière, elle ne semblait pas avoir une opinion favorable d'eux. Lavi était tenté de lâcher un soupir.

    N'abandonnant pas, Doug essaya de lui parler. « Est-ce que ça te dérange si nous parlons avec toi pendant un moment ? »

    « ... Le moment est mal choisi. Je dois aller faire des courses. »

    « Nous aimerions que tu coopères avec nous afin qu'on puisse résoudre cette affaire. S'il te plaît. »

    « Je dois me dépêcher. »

    Lavi dévisagea attentivement Colette, qui secouait la tête obstinément. Elle pouvait être associable, mais c'était une si petite fille qui semblait sans défense. Elle avait l'air en désaccord, mais à l'intérieur elle pouvait tout aussi bien être en train de tirer la langue. Revêtir de la peau humaine et vivre dans un simple humain, puis soudainement montrer les crocs ; voilà quelle était l'horreur des Akuma.

    Je vais le savoir dès maintenant. Lavi prit silencieusement en main le marteau qui se trouvait à sa ceinture. Le marteau ressemblait à un petit maillet, mais en un instant sa poignée s'allongea et sa tête grandit.

    Colette ouvrit grand la bouche en voyant Lavi qui tenait tout d'un coup un large marteau.

    « Lavi !? Qu'est-ce que tu fais ? »

    Lavi adressa un énorme sourire au Doug confus. « Je mets les choses au clair en vérifiant si c'est oui ou non un Akuma. »

    A ce stade, le plus suspect était Jérôme Dresselle. Mais il y avait une forte chance que Colette, refusant obstinément de coopérer, puisse également être un Akuma. Ils devaient une bonne fois pour toutes vérifier si elle en était une.

    Doug lâcha ce qui ressemblait à un hurlement. « Lavi, stop ! »

    Paf.

     

    Il y eut un bruit sourd, et le marteau s'enfonça dans la terre. Il se trouvait à seulement quelques centimètres du pied de Colette.

    « Oh. Tu es humaine. » Lavi retira le marteau du sol et observa Colette, qui était glacée d'épouvante et tremblante.

    Il entendit Doug lâcher une profonde expiration derrière lui.

    Lavi dit : « Désolé de t'avoir effrayée. Je pensais que ça aurait été plus rapide de faire ça et de voir si... »

    Un soudain coup derrière la tête jeta Lavi en avant.

    « Ouch ! Qu'est-ce que tu fais !? » Lavi se retourna, agrippant sa tête, pour voir Doug se tenir debout avec les poings serrés et une expression de rage indignée sur le visage.

    « Comment peux-tu faire quelque chose comme ça à une aussi petite fille ! »

    « Je n'ai jamais eu l'intention de frapper Colette pour commencer ! Je voulais juste vérifier si elle était oui ou non un Akuma. »

    « Il y a d'autres façons de le faire ! Tu es vraiment incroyable ! »

    A ce moment-là, Lavi captura un autre effroyable son.

    Il semblait que Doug l'avait également entendu, puisque tout en continuant de serrer le col de la chemise de Lavi il se retourna pour regarder Colette avec une expression alarmée.

    Colette agrippait sa jupe, des larmes coulant le long de son visage tout en sanglotant.

    « Aghhh ! Tu l'as fait pleurer ! »

    Peut-être par réaction aux mots de Doug, Colette commença à pleurnicher. « Waahh ! »

    « Gah ! Qu'est-ce qu'on devrait faire, vieil homme !? » Lavi chercha de l'aide auprès de son maître, le Bookman. Le Bookman avait reculé un instant quelques mètres plus loin et regardait vaguement dans une autre direction comme pour montrer qu'il n'avait rien à voir avec eux.

    « Douug ! » Quand Lavi se retourna, il vit Doug s'agenouiller devant Colette.

    « Excuse-moi pour l'avoir laissé te faire peur. Je ne le laisserai plus faire ça de nouveau. » Doug sortit un mouchoir de sa poche et tamponna doucement les énormes larmes qui coulaient le long du visage de Colette.

    « Je suis vraiment désolé, Colette ! » Lavi pressa ses paumes l'une contre l'autre avec sincérité.

    Toujours en sanglotant et reniflant, Colette regarda Doug. Sa terreur lui faisait paraître son âge, telle la petite fille qu'elle était.

    Doug continua prudemment d'essuyer le visage de Colette. « Je suis désolé qu'on t'ait effrayé. On ne fera plus rien d'embêtant, alors est-ce que tu es d'accord pour qu'on t'accompagne pendant que tu fais tes courses ? »

    « Pourquoi ? » Demanda Colette confuse.

    « On aimerait au moins porter les sacs à ta place pour nous excuser. Qu'en dis-tu ? »

    Colette regardait fixement Doug, reniflant, mais hocha finalement la tête. « ...Très bien. »

    « Génial ! Et ben, pendant un moment j'étais inquiet. » Lavi essuya la sueur de son front. C'était une bonne chose qu'il ait laissé Doug s'en occuper. Généralement, les enfants aimaient Doug, certainement parce qu'ils voyaient son bon cœur et sa nature affectueuse.

    A ce moment-là, Lavi senti un regard aussi froid que de la glace. Colette pointait un doigt vers Lavi comme si elle le menaçait d'un pistolet. « Mais je le déteste. Je hais cette personne avec le cache-œil ! » Il y avait de la force derrière ses mots.

    « Quoi !? C'est méchant, Colette ! Regarde, je suis désolé ! Quand on arrivera en ville, je t'achèterais ce que tu veux, alors pardonne-moi ! »

    Colette détourna son visage de manière significative même si elle avait pitié. Lavi joignit ses mains ensemble et jeta un rapide coup d'œil vers son visage avec crainte. « Me pardonneras-tu ? »

    « Non ! »

    « Quoi !? » Cria Lavi désespéré.

    Lorsqu'ils atteignirent enfin le centre-ville, le soleil s'était complètement couché, mais la nuit venait juste de commencer et une rangée de boutiques étaient allumées et agitées.

    « Aller, Colette, souris. » Lavi avait finalement reçu la permission de les accompagner, et avait ainsi laissé la tâche de surveiller le manoir au Bookman, mais Colette ne voulait pas le laisser l'approcher et le laissa traîner donc des pieds derrière elle et Doug durant tout le trajet jusqu'à la ville.

    « Hey, cache-œil. »

    « Mon nom est Lavi ! »

    Pas le moins préoccupée par ce que venait de dire Lavi, Colette lui adressa un regard qui était assez entendu pour le faire tressaillir.

    « Pourquoi est-ce que tu portes un cache-œil par-dessus ton œil droit ? C'est une blessure ? »

    Il y eut dès cet instant une tension palpable dans l'air.

    Sentant que Doug le regardait fixement, Lavi se força à sourire. « Oh, ça ? Non, ça... ce n'est pas une blessure. »

    Colette avait certainement senti le changement d'atmosphère à ce moment-là, car elle dit, nerveuse : « Oh, vraiment. Dans ce cas ça va. »

    « Tu étais inquiète à propos de moi ? Tu es une adorable gamine, Colette. »

    Elle esquiva la main de Lavi lorsqu'il l'avança pour lui tapoter la tête, puis brandit une poignée d'argent. « Je n'ai pas de temps. Laissons tomber les courses. Est-ce que tu pourrais acheter du pain, cache-œil ? Doug, toi tu vas au boucher s'il te plaît. »

    « Je t'ai dit que mon nom était... »

    « Aller, dépêche-toi et va faire les courses ! »

    « Ouais, ouais. » Souriant amèrement, Lavi s'éloigna pour aller acheter du pain.

    Ca faisait un moment que personne ne l'avait plus questionné sur son cache-œil. Les personnes qui le croisaient pour la première fois regardaient son œil curieusement, mais s'abstenaient de l'interroger dessus. Colette avait cette façon ouverte de s'exprimer qu'ont les enfants.

    Les gens devaient imaginer toutes sortes de choses à propos de l'œil droit de Lavi, mais ils n'auraient jamais pu imaginer que c'était la raison qui l'avait déterminé à devenir le prochain Bookman.

    C'était la vérité connue par le Bookman uniquement. Ce que personne d'autre n'avait à savoir.

    Personne d'autre...

    Lavi frissonna lentement. Pour certaines raisons le vent d'automne paraissait plus froid.

    *

    « Merci pour avoir porté mes sacs. » Colette les remercia timidement une fois qu'ils eurent terminé de faire les courses et soient arrivés devant le manoir.

    Doug fit un doux sourire et tendit à Colette une bouteille de vin. « Est-ce que M. Jérôme te traite convenablement ? »

    « Hein ? » Colette le regarda d'un air interrogateur.

    « J'étais juste inquiet... Je veux dire, rien qu'une sortie pour aller faire les courses est difficile pour toi. » Doug regarda Colette l'air concerné.

    « Je suis reconnaissante envers le maître. Je ne sais pas ce qui se serait passé s'il ne s'était pas occupé de moi gratuitement, en disant que c'était parce que mon père lui avait souscrit un contrat de sous-traitance auparavant », répondit Colette, faisant sourire Doug de soulagement.

    « Alors c'est une gentille personne, dans ce cas. »

    « La maîtresse était également une personne merveilleuse. Comme je ne pouvais pas aller à l'école, elle m'a appris à lire, à écrire et elle m'a aussi appris l'arithmétique. Elle et le maître étaient très proches. C'est pourquoi il est si déprimé... » Colette prit une expression douloureuse. Elle devait également avoir souffert de la mort soudaine de sa maîtresse et des conséquences qui s'en étaient suivies sur son maître.

    « Savais-tu que M. Jérôme sort la nuit ? » Demanda Doug.

    Colette détourna immédiatement les yeux. Dire ou ne pas dire ? Elle semblait partagée. « ...Je l'ai entendu sortir de sa chambre. »

    « Sais-tu où est-ce qu'il se rend ? »

    « Non. Quand j'entends du bruit, j'y vais pour regarder mais je ne vois jamais personne. »

    « Vraiment... » Doug lança derrière lui un regard appuyé à Lavi. Lavi hocha légèrement la tête.

    Il semblait que Jérôme sortait la nuit pour rôder ici et là comme les rumeurs le disaient, après tout.

    « ...Je pense avoir une idée de l'endroit où le maître pourrait se rendre », dit Colette, semblant avoir changé d'avis.

    « Où ? »

    « Un homme qui prétendait être un diseur de bonne aventure voyageant a rendu visite au maître pendant qu'il pleurait sa défunte femme. Maître Serge l'a chassé, mais... il se pourrait que le maître se rende à la Statue de la Déesse de l'Aube. Après tout, on dit que si vous priiez là-bas avec ferveur, une personne qui est décédée reviendrait à la vie... »

    « Je vois. »

    Si Jérôme sortait la nuit, il pouvait s'être transformé en Akuma et avoir attaqué des gens.

    « Je dois y aller maintenant. » Colette regarda fixement le manoir.

    « Désolé de prendre sur ton temps. Je suis content d'avoir pu parler avec toi. Et bien dans ce cas, nous te verrons demain. »

    « Oui... bonne nuit. » Colette semblait vouloir ajouter quelque chose, mais elle resta silencieuse et entra dans le manoir.

    Doug l'observa s'en aller attentivement. Lavi saisit ses cheveux. « Ben tu t'es fait une amie on dirait. »

    « On dirait qu'elle s'est un peu confiée. »

    « Ouais, c'est clair que les gamins s'entendent bien entre eux. »

    « Qui est-ce que tu traites de gamin ! » Doug enleva brusquement la main de Lavi et s'avança vers le Bookman, qui se tenait près de la porte d'entrée.

    « Bonsoir. Il y a eu un certain nombre de visiteurs, mais Serge les a tous laissés sur le palier de la porte à part un. Seul un homme qui ressemblait à un laboureur est entré dans le manoir, et personne, Jérôme inclus, n'en est sorti. »

    « Je vois. Merci d'avoir continué à surveiller, Bookman. J'ai parlé avec Colette, et il semble que M. Jérôme rende visite à la Statue de la Déesse de l'Aube après la tombée de la nuit. »

    « Je vois... et bien dans ce cas, je suppose qu'on va continuer de garder un œil sur ce manoir. »

    « Oui, monsieur. » Le regard de Doug se dirigea vers le manoir.

    « Es-tu inquiet pour Colette ? »

    Lorsque Lavi lui parla, Doug sursauta. « Ouais, je m'inquiète. Je veux dire, elle n'a encore que dix ans, mais elle a déjà porté les dettes de son père sur ses épaules et elle travaille... elle semble bien le supporter, mais quand je songe à la solitude qu'elle doit ressentir dans un lieu aussi étranger, séparée de ses parents... » Doug baissa la tête tristement. Son cœur devait faire mal en pensant à la situation de Colette.

    « ...Tu n'es pas en train de penser que tu aimerais faire quelque chose pour Colette, dis-moi ? »

    Doug regarda Lavi d'un air interdit.

    « Je le savais. »

    Ca ressemblait à quelque chose que Doug pouvait penser. Doug avait clairement des pensées en dehors de la mission et se sentait concerné par Colette.

    Doug laissa échapper un long soupir. Cependant, une forte résolution envahit ses yeux. « Mais je ne peux pas la laisser comme ça. »

    Le Bookman, qui avait écouté en silence, regarda Doug : « Je comprends ce que tu peux ressentir. Cependant, si tu t'impliques plus que tu ne le devrais avec les gens que tu rencontres dans l'optique de ton travail, tu ne seras pas capable de le supporter. Nous ne sommes pas des dieux tout-puissants. »

    Aux mots du Bookman, Doug baissa la tête. « Je comprends. Mais même si elle doit travailler, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait attendre jusqu'à ce qu'elle ait un peu grandit ? Je souhaiterais qu'elle suive l'école primaire. Elle semble être intelligente, et en France une loi sur l'enseignement primaire a été votée et permet à n'importe quel enfant jusqu'à l'âge de vingt ans de suivre l'école primaire. »

    « Cela signifie seulement que le système vient d'être mis en place. Peu importe qu'ils aient fait passer la loi, le système ne sera pas utilisé s'il va à l'encontre des choses telles qu'elles sont. Si une famille est destituée et qu'elle peut à peine gagner son pain quotidien, ils ne seront pas capables d'envoyer leurs enfants à l'école. Et même les enfants seront envoyés pour rapporter de l'argent. »

    « C'est vrai... je le sais bien, mais quand je pense qu'une si jeune fille travaille déjà... »

    « Comparées aux hommes, les femmes trouvent des travaux inférieurs et reçoivent des salaires plus faibles. On peut dire que Colette est chanceuse de n'avoir qu'un emploi. »

    Lavi tapota gentiment l'épaule de Doug. « Allons, ne parle pas si durement, Panda. Peut-être que c'était grâce au destin ou quelque chose dans ce genre que nous avons rencontré Colette. Si Doug fait preuve d'un acte de charité après la mission, la Congrégatio ne dira rien. »

    Doug redressa la tête de soulagement.

    Le Bookman hocha la tête silencieusement en direction de Doug, puis se tourna pour faire face à Lavi. « Qui traites-tu de panda !! »

    « Gah ! » Une claque provenant uniquement de la main frappa avec force la joue de Lavi. Envoyé en l'air, Lavi s'agrippa à Doug, qui se trouvait être juste à côté de lui.

    « Agh ! » Recevant sur lui de plein fouet Lavi, qui était plus grand que lui d'une taille, Doug tituba. Quelque chose de blanc tomba et atterit à ses pieds.

    « Désolé, Doug ! ...Qu'est-ce que c'est que ça ? » Lavi ramassa ce que Doug avait fait tombé. C'était un ruban blanc vif terminé par des lacets.

    « ...Elle a dit que demain c'était son anniversaire, tu comprends. »

    « Ohh, alors quand tu es allé faire les courses tu lui as aussi acheté un cadeau en secret ! Joli travail, dis donc ! » Lavi fit du coude à Doug et le visage de celui-ci rougit.

    « Je n'ai jamais offert un cadeau à une fille auparavant. Tu crois qu'elle sera contente ? »

    « Ouais, j'en suis sûr », dit Lavi, et Doug sourit, soulagé.

    *

    Depuis la deuxième fenêtre à volets, deux ombres observaient secrètement les trois personnes qui discutaient devant le manoir. L'un était Serge, et l'autre était un homme bien bâti à l'air sauvage. Il portait un chapeau fait main usé par endroits qu'il avait descendu jusqu'aux yeux, comme s'il avait peur que l'on voie son visage. Par contraste avec la robe de chambre en soie que Serge avait enfilé, il avait une apparence miteuse avec de vieux vêtements noirs usés et des pantalons de chanvre.

    « Ce sont ces trois-là », souffla Serge à l'homme à ses côtés.

    Caressant la fin de sa barbe, l'autre homme regardait fixement Lavi et les autres à travers la fenêtre. « Oh, j'ai déjà vu ces trois-là à la taverne hier. Ils sont apparus dans leurs uniformes noirs au design bizarre. Mis à part le petit vieux, le rouquin et l'enfant aux cheveux noirs sont jeunes et pourraient causer des problèmes. »

    Serge fit claquer sa langue vers l'autre homme, qui avait un sourire vulgaire sur les lèvres. « Très bien. Que dites-vous de 200 francs pour tous les trois ? »

    L'homme secoua lentement la tête. Son expression était celle de quelqu'un qui avait affaire à un idiot facilement manipulable. « J'aurais besoin d'hommes forts... ouais, j'aurais besoin d'en embaucher cinq ou six. Et ce n'est même pas suffisant. Je vais avoir besoin de 500 francs. »

    « Très bien. »

    Le sourire de l'homme s'agrandit à la rapidité de Serge pour répondre. Un artisan qui travaillait ardument pour une journée entière ne pouvait pas espérer recevoir un salaire dépassant les 4 francs. L'homme avait calculé une bonne centaine de francs de bénéfice, et avait proposé un prix vertigineux sans avoir espéré l'obtenir.

    Une mine d'or sans cervelle et sans la moindre valeur marchande ni base de négociation. Il se demandait jusqu'où il pourrait aller en l'utilisant comme source de fonds financiers.

    « Cependant, tu dois les tuer tous les trois. » Dit Serge.

    « Hein ? » L'autre homme n'en croyait pas ses oreilles.

    « Je pensais qu'on s'était mis d'accord pour les tabasser et les virer de la ville, pas... »

    « J'ai changé d'avis. C'est mieux d'éliminer complètement ce qui peut être nuisible. Je ne peux pas me permettre de les laisser flâner autour de mon manoir. » Son sang-froid ne témoignait d'aucune peur ni hésitation dans l'acte de commettre un meurtre. Serge parlait comme s'il voulait que le gravier soit balayé de l'allée, et même l'autre homme, qui avait déjà pris part à des bagarres, sentit une bouffée de crainte monter en lui.

    « Mais... si c'est seulement le fait qu'ils traînent aux alentours qui vous dérange, il n'y a pas besoin de les tuer. »

    « Tu ne peux pas le faire ? »

    « Hé, s-si je peux ! Je le ferai. »

    Serge hocha la tête silencieusement.

    Si je dis non, Serge embauchera quelqu'un d'autre. Et alors il me tuera aussi, pour que je ne répète rien. Sans hésitation. Ca ne l'affectera pas plus que d'écraser un insecte. L'homme l'avait bien compris.

    Serge tendit un paquet de billets. Avalant bruyamment, l'homme le prit.

    Derrière la fenêtre, l'obscurité gagnait du terrain.

    *

    La nuit apparut progressivement, et la pleine lune brillait comme une assiette argentée dans le ciel d'un bleu ténébreux. Le visiteur qui était resté jusqu'à il y a peu était parti, et le manoir était silencieux. Seul le hululement d'un hibou résonnait au dessus de la route.

    La brise nocturne soufflait sur les trois silhouettes en dessous de l'arbre devant le manoir.

    « Ah ! » Cria Doug doucement. Lavi avait remarqué quelque chose au même moment.

    Une silhouette était apparue de l'autre côté de l'ostentatoire porte d'entrée du manoir des Dresselle. Même à travers le treillis, ils pouvaient remarquer qu'il s'agissait d'un grand homme assez fort. Il portait une redingote marron foncé qu'il était difficile de distinguer dans le paysage obscur.

    Le visage barbu qui était visible grâce au clair de lune correspondait précisément au portrait qui se tenait au dessus de la cheminée.

    « C'est M. Jérôme », souffla doucement Doug.

    Avec une incroyable agilité pour un corps aussi robuste, Jérôme plaça une main sur le treillis et sauta légèrement sur la porte d'entrée d'un mètre quatre-vingt de haut. Il atterrit silencieusement sur le sol.

    Jérôme regarda aux alentours deux trois fois, puis marcha dans la direction opposée à la ville ; en direction de la forêt.

    Tous les trois commencèrent sans un bruit à suivre Jérôme, qui chancelait avec des pas instables, comme un homme saoul.

    Sur sa poitrine, éclairé par les réverbères, scintillait le diamant.

    « Alors c'est le diamant dont on a entendu parler... il est aussi grand que dans le portrait », dit Lavi.

    « Il se remarque même dans le noir. Ca sera plus facile pour le suivre. » Doug laissa échapper un soupir d'admiration. « Cependant, si il tombe dans un traquenard alors qu'il le porte de manière aussi visible... » Commença t-il à dire, puis il s'arrêta en cours de route.

    Après le passage de Jérôme, trois hommes surgirent de derrière un arbre, les coupant dans leur course. Tous avaient des chapeaux qu'ils avaient baissé jusqu'aux yeux et un morceau de tissu qui recouvrait la partie basse de leurs visages. Ils avaient l'air misérable dans leurs vieux manteaux, pantalons de chanvre et chaussures en bois, mais ils gonflaient leurs poitrines de fierté et de force.

    Ils étaient armés de couteaux et de cannes.

    « Qu'est-ce que vous voulez, les gars ? »

    Ne répondant pas à la question de Lavi, les hommes dressèrent silencieusement leurs armes.

    Des coupe-jarrets ? Non, si c'était le cas ils auraient aussi attaqué Jérôme, pensa Lavi. Ils sont arrivés en surgissant comme s'ils nous ciblaient. C'est clair qu'ils sont restés ici pour nous attendre. « Attend, est-ce que ces gars sont des Akuma ? » Lavi envoya un regard au Bookman. Ce n'était pas le moment d'hésiter. « Doug, laisse-nous nous charger de ça... toi, va à la poursuite de Jérôme ! »

    Doug acquiesça et courut vers la forêt. D'autres hommes surgirent de derrière les arbres pour leur bloquer le passage.

    Combien sont-ils en tout !? Lavi fit agrandir rapidement son marteau et sauta.

    Il fendit les airs et atterrit entre les hommes et Doug. Les hommes s'arrêtèrent brusquement à la vue de ce saut surhumain.

    « Dégagez le passage ! » Avec un balancement du marteau de Lavi, les hommes s'envolèrent dans le ciel comme des balles. « Vas-y ! » Lançant un regard vers Doug, qui s'était mis à courir, Lavi eut soudain un pressentiment. Cependant, les hommes arrivèrent pour attaquer, ne laissant pas à Lavi le temps d'y réfléchir.

    Tout d'abord, je dois me débarrasser de ces types ! Lavi chassa le malaise qui tournoyait dans les profondeurs de son esprit et resserra son emprise sur le marteau pour le faire tourner dans les airs.

    *

    Par chance, Doug rattrapa rapidement Jérôme.

    Reprenant son souffle, Doug regarda derrière lui. Ces hommes étaient au moins six. J'espère que Lavi et Bookman s'en sortiront.

    L'anxiété de Doug s'éclipsa rapidement. Il était impossible que Lavi et le Bookman, qui étaient Exorcistes, puissent perdre contre de pareils hommes.

    Doug devait seulement se soucier de la tâche qui lui avait été confiée.

    En se disant cela, Doug se détendit.

    Jérôme titubait tout du long, suivant résolument la route. Au bout d'un moment les maisons se firent rares, et la forêt, comme une grande onde noire, devint visible au devant. Les réverbères s'étaient volatilisés, et seule la lune, brillant ardemment dans le ciel nocturne, éclairait le chemin. Il n'y avait désormais plus personne aux alentours, et Doug n'entendait que les cris des insectes ainsi que ses propres pas.

    Jérôme entra dans l'obscure forêt sans hésiter.

    Doug leva la tête vers les arbres sombres et denses. Le vent soufflait, et les arbres se balançaient comme pour lui adresser un signe. Cela fit battre à tout rompre le cœur de Doug. Epouvanté, il tremblait.

    La silhouette de Jérôme fut engloutie par une masse d'arbres.

    Je n'ai pas d'autre choix que d'y aller. Doug se résolut et avança.

    La forêt nocturne était tombée dans un sommeil de plomb. Il n'y avait rien qui puisse troubler son repos, mis à part l'occasionnelle chauve-souris qui déployait ses ailes au devant.

    Doug ferma les yeux et se concentra sur ce qu'il entendait. Il avait déjà souvent vu le sang couler, et il savait qu'en fermant tous ses autres sens, on pouvait ainsi aiguiser un certain sens.

    S'il écoutait attentivement, il pourrait distinguer quelques bruits de pas indistincts.

    « Par là... » Doug s'avança rapidement.

    Il y avait actuellement une faille dans les arbres. Après être passé au travers d'un amas de buissons, Doug émergea dans une clairière.

    Rien ne gênait le passage du clair de lune ici, et elle illuminait avec clarté tout le paysage. En un instant, Doug aperçut plusieurs silhouettes humaines, immobilisées par la peur, et se refroidit.

    Cependant, vues de plus près, il s'agissait de statues humaines. De mauvaises herbes avaient poussé dans tous les sens aux pieds des statues immobiles. Dans un coin se trouvait quelque chose s'apparentant à un banc en pierre.

    Ce devaient être les restes d'un jardin.

    Doug s'avança précautionneusement à l'intérieur du jardin. Vues de près, les statues étaient recouvertes par de la mousse, et l'odeur de l'herbe monta jusqu'au nez de Doug.

    Il devait y avoir un nid près d'ici, car des chauves-souris battaient de l'aile ici et là.

    Doug, qui s'était aventuré un peu plus loin dans le jardin, se dépêcha d'aller se cacher derrière une statue.

    Jérôme se tenait devant une statue disposée au cœur du jardin. Comme les autres statues, celle-ci, portant les courbes d'une femme, avait de la mousse qui la recouvrait par-dessus.

    Est-ce que ça pourrait être la statue de la déesse dont nous avons entendu parler ?

    A ce moment-là, il y eut un léger bruit derrière Doug. Il se retourna vivement, et ses yeux s'élargirent.

    Colette se tenait là.

    « Colette !? Qu'est-ce que tu fais là ? »

    A la véhémence de Doug, l'expression de Colette devint apeurée. Elle se replia comme un chat piégé. Doug sentit son cœur battre à tout rompre. Pourquoi est-ce que Colette vient voir la statue de la déesse ? Et si tard, à minuit. Impossible... impossible !

    Colette répliqua : « Qu'est-ce tu fais ici, Doug ? »

    « J'ai suivi M. Jérôme. »

    « Le maître !? »

    « Tu parles trop fort ! »

    Doug, paniqué, mit sa main devant la bouche de Colette. Ce n'avait pas été un geste violent, mais les yeux de Colette montraient clairement de la terreur, et ses épaules remontèrent avec frayeur. « Ne me frappe pas ! »

    « Quoi ? » Surpris, Doug regarda Colette.

    Colette s'accroupit sur ses talons et se protégea elle-même de ses bras maigres. Son corps faible tremblait.

    « Te frapper...? Comment pourrais-je... Je suis désolé si je t'ai effrayé. Mais je n'utilise pas la violence, alors ne sois pas inquiète... » Tout en parlant, Doug remarqua comme des bleus sur les poignets de Colette. « Qu'est-ce que c'est que ces... »

    La raison pour laquelle Colette était craintive et qu'il ne souhaitait pas envisager fit alors surface dans l'esprit de Doug. Il se mit sur un genou sur le sol et scruta doucement le visage de Colette. « Colette, est-ce que quelqu'un t'a battu ? »

    Toujours tremblante, Colette ne répondit pas.

    « M. Jérôme ? »

    Colette secoua sa tête des deux côtés solennellement.

    « Impossible... Serge ? »

    Des larmes surgirent des yeux de Colette.

    Cet homme. Je pensais bien qu'il cachait quelque chose, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il possède un aspect aussi brutal. Cependant, en y resongeant, Serge avait déjà montré qu'il pouvait facilement s'emporter.

    « Pourquoi est-ce que Serge te bat !? Depuis quand te fait-il du mal ? Et est-ce que Jérôme le sait ? »

    « Depuis que la maîtresse est morte, Maître Serge a commencé à entrer dans des rages folles. Quand il perd son sang-froid, il n'y a rien que l'on puisse faire. Maître Serge était du genre fils à sa mère, alors je pense qu'il a du recevoir un choc. Il a commencé par passer sa colère sur nous, les domestiques... »

    Alors ça veut dire qu'elle a été victime de violence quotidienne pendant près d'un mois. Je suis sûr que ses vêtements cachent d'autres bleus. Doug était tiraillé par un oppressant sentiment d'impuissance. Pourquoi Dieu nous envoie t-il donc des épreuves aussi dures ? Dieu est-il ici ? Si oui, je me demande ce à quoi Il pense.

    Doug éloigna ces pensées futiles. Si les gens comme moi commencent à douter de l'existence de Dieu, tout ce que j'arriverais à faire ce sera de tourner en ronds.

    « Quand il m'a battue pour la première fois, je me suis enfuie loin du manoir, et je me suis retrouvée ici par hasard. »

    « Vraiment... »

    Dans le cas de Colette, pour qui il n'y avait pas de place au manoir, il s'agissait d'un refuge temporaire. Doug avait suspecté Colette car elle s'était approchée de la statue de la déesse.

    Doug caressa doucement les cheveux de Colette. Il aurait eu envie de pleurer s'il n'était pas déjà en train de le faire. « Tu n'avais pas peur, à l'intérieur de cette forêt noire ? »

    Etonnamment, Colette secoua la tête. « Je n'ai pas peur ici... cette statue de la déesse ressemble à ma mère, tu comprends. »

    A ces mots, Doug eut l'impression que son coeur avait été transpercé. C'est vrai, elle n'a encore que dix ans. Il fallait s'attendre à ce que sa mère lui manque.

    Doug enlaça doucement Colette. Colette plaça nerveusement ses bras autour de Doug. Le corps de la fillette était chaud. Et incroyablement maigre.

    Elle avait quitté sa ville natale, et vivait toute seule par ses propres moyens. Son asociabilité était l'armure dont elle s'était désespérément enveloppée afin de se protéger.

    « Qu'est-ce que tu comptes faire si cette fille est malheureuse ? »

    Le conseil franc du Bookman flottait dans l'esprit de Doug, mais il avait déjà pris sa décision.

    Il saisit la petite main de Colette et la regarda dans les yeux. « Colette, je te protégerai à partir de maintenant. Ne t'en fais pas. »

    Colette eut l'air légèrement surprise ; puis ses yeux devinrent larmoyants. « Vraiment ? »

    « Doug acquiesça en direction de Colette, qui le regardait de façon implorante. « Oui ! Quand tout ça sera terminé, j'irai parler à Jérôme. Je ferai quelque chose pour les dettes ! Tu n'auras plus à travailler dans ce manoir. »

    Doug enlaça doucement Colette, qui avait plongé dans ses bras. Il caressa doucement son dos tremblant, encore et encore.

    Juste à ce moment, il y eut le léger bruit de quelqu'un se frayant un chemin à travers un buisson. Doug, regardant quelques mètres plus loin, se retint de crier. Serge venait d'apparaître.

    Que fait-il ici ?

    *

    Devant la statue de la déesse, Jérôme se retourna doucement. « Qu'y a-t-il, Serge ? Pourquoi m'as-tu appelé ici ? »

    « Nous ne pouvons pas parler dans le manoir. Là-bas, on ne sait jamais qui pourrait écouter ni d'où. » La voix de Serge sonnait faux. Il semblait agité, et même Doug pouvait entendre sa respiration lourde. Il y avait un sourire déplaisant sur son visage, éclairé par la lumière de la lune.

    « Pourquoi Serge a t-il appelé le maître dans cet en... »

    « Chut. » Nerveux, Doug couvrit la bouche de Colette.

    « Père... es-tu sorti pour tuer d'autres gens ce soir ? »

    « Comment !? » Aux mots de Serge, Doug éleva la voix sans réfléchir. Cette fois, ce fut Colette qui plaça sa petite main contre la bouche de Doug.

    Heureusement, le père et le fils Dresselle, probablement trop concentrés sur leur conversation, ne semblèrent pas les avoir remarqués.

    « De quoi parles-tu ? » Se défendit Jérôme calmement, totalement imperturbable.

    Serge lécha lentement ses lèvres. « J'ai tout vu. Je t'ai suivi quand tu es sorti la nuit et j'ai vu comment tu les as tués. Tu en as tué des douzaines – non, au moins une centaine depuis, pas vrai ? Et tu les as enterrés. Dans la forêt, derrière cette statue. Dois-je en déterrer un ? »

    A en juger par le ton assuré de Serge, il ne semblait pas mentir. Ainsi, c'est Jérôme qui a tué toutes ces personnes disparues. Alors Jérôme est l'Akuma ? Pensa Doug.

    « Je... je ne peux pas croire que le gentil maître est un assassin. Mais pourquoi ? » Souffla Colette, tremblante.

    Serge avait adopté un ton triomphant, et ses mots jaillirent les uns à la suite des autres. « Si on découvre cela, tout sera fini, peu importe que tu sois une importante figure locale. Par ailleurs, je n'aimerais pas que mon père soit condamné à mort pour meurtre de masse. Alors que dirais-tu de te retirer de la vue publique ? »

    Jérôme resta silencieux.

    « Tu peux vivre le restant de tes jours dans le luxe dans ta villa à Orléans. Lègue-moi ta propriété. Est-ce que ce n'est pas une bonne idée ? Alors donne-moi ce diamant en pendentif. »Serge tendit sa main.

    « Serge. » Jérôme parla finalement. « J'ai une meilleure idée. »

    « Comment ? » Le visage de Serge se défigura déplaisamment.

    Sous la lumière de la lune, la bouche de Jérôme se fendit en une lune croissante.

    Lorsqu'il vit ce sourire malicieux, l'expression de Serge devint anxieuse. L'aura sinistre de menace projetée par Jérôme fit même parcourir de frissons le dos de Doug, qui se cachait.

    « Je pourrais te tuer. »

    « Hmpf ! »

    Doug, qui s'était attendu à cela, mit rapidement sa main par-dessus la bouche de Colette.

    « Qu'... qu'est-ce que tu racontes, père ? » Serge ne devait pas avoir pensé que Jérôme voudrait le tuer, lui son propre fils, mais à présent l'assurance sur son visage avait disparut et une expression lâche était apparue. Aussi lent qu'il puisse être, Serge pressentait désormais un danger envers lui-même, et se replia pas à pas.

    Jérôme se refroidit, et ses yeux roulèrent derrière sa tête, révélant leurs blancs. Son corps commença à trembler comme si quelque chose le possédait. Doug rapprocha par réflexe Colette près de lui. Bien que Colette se tenait à lui tout le temps, elle continuait de fixer intensément Jérôme.

    Le terrible moment où un humain se transforme en quelque chose d'inhumain était sur le point d'arriver.

    L'instant suivant, des protubérances rocheuses et tranchantes jaillirent du corps de Jérôme comme s'il n'était plus capable de les retenir plus longtemps.

    Colette eut le souffle coupé.

    Un bruit mécanique discordant brisa le silence de la forêt ; la peau de Jérôme se détacha, et l'Akuma se dévoila entièrement.

    « Un Akuma Niveau 2 ! » Lança Doug sans réfléchir.

    Ca ne ressemblait à rien de plus qu'un porc épique en verre. Ses quatre pieds plantés dans le sol, le corps entier de l'Akuma était couvert de lances tranchantes et translucides aux formes de prismes qui semblaient pouvoir arriver en volant vers Doug et les autres à tout moment. Baigné dans la lumière de la nuit, l'Akuma brilla d'une lueur argentée, comme un énorme minerai d'argent. Cependant, cette forme n'évoquait aucune beauté, mais de la peur.

    « L... le maître... » Murmura Colette avec une voix tremblante.

    Doug regarda fixement l'Akuma qui avait rejeté son enveloppe corporelle humaine et avait montré sa vraie nature. Dès que Doug voyait les traits diaboliques d'un Akuma, il était rempli d'horreur. Une détestable arme maléfique, créée du sacrifice d'un être humain et d'une tragédie...

    Même dominé par l'Akuma devant ses yeux, Doug entendit malgré tout un faible petit bruit. Regardant de façon alarmée dans la direction d'où venait le bruit, il vit un homme tituber dans le jardin. Sa large stature et ses vêtements de basse qualité lui étaient familiers. C'était l'un des hommes qui leur avait bloqué le passage un peu plus tôt. Il saignait du front.

    « Serge, ils étaient trop forts ! » En ayant hurlé cela, l'homme vit l'Akuma au centre du jardin et s'arrêta net, effaré.

    Réagissant à la voix de l'homme, l'Akuma se propulsa hors de son corps. Les lances translucides qui en sortaient devinrent dangereusement lumineuses.

    Au moment où l'homme, qui venait de réaliser le danger, se retourna vivement pour courir, une lance translucide qui dépassait détonna comme un missile.

    « Gah ! » Du sang coula de la bouche de l'homme. La tranchante lance pointue, aussi longue que le bras d'un homme, avait transpercé le corps de l'homme avec précision. Avec La lance enfoncée au travers de son corps, l'homme tomba sur le sol.

    « Aaagh ! » Serge cria et se précipita pour se cacher derrière une statue proche.

    L'Akuma se tourna pour examiner le jardin. Puis, se déplaçant lentement d'un pas lourd, il regarda fixement entre les statues comme s'il jouait à cache-cache.

    Colette se serra contre la poitrine de Doug.

    « Tout va bien. Lavi va arriver d'un moment à l'autre, alors ne t'inquiète pas. »

    « Lavi ? » Dit Colette douteuse.

    « C'est ça. Lavi est un Exorciste qui se bat contre les Akuma, et il est vraiment fort. » Doug se remémora Lavi faisant tourner gracieusement son marteau dans les airs et vainquant les Akuma.

    « J... je ne lui fais pas confiance. Ce garçon, » Dit précipitamment Colette. « Il sourit tout le temps, mais seulement en apparence. A l'intérieur de son cœur, il est très froid. Je suis sûre que ça ne lui poserait aucun problème d'abandonner les autres. »

    C'est une fille sage, pensa Doug une fois de plus. Elle n'avait pas seulement failli être heurtée par un marteau, elle avait également observé Lavi de près.

    Une fille qui travaillait parmi des adultes de toute sa force, qui vivait en donnant le meilleur d'elle-même. Bien qu'elle soit jeune, elle avait naturellement appris à posséder la triste habitude de lire les expressions des gens et d'être douée pour cela – exactement comme Doug.

    Evidemment, comparée à Doug qui avait perdu ses parents mais avait eu la chance d'être pris en charge par des proches, Colette souffrait davantage.

    « Non, je suis certain que Lavi viendra, » déclara Doug catégoriquement. Ce que Colette avait dit était vrai. Cependant, il ne s'agissait là que d'une seule part de Lavi. « Lavi est venu me sauver lorsque j'étais au seuil de la mort auparavant. Je suis certain qu'il viendra cette fois aussi. » Doug caressa les cheveux de Colette tendrement.

    Juste à ce moment-là, il vit que l'Akuma s'approchait d'eux.

    Oh non, à ce rythme-là il va finir par nous trouver. Je dois gagner du temps. « Colette, toi cache-toi ici ! » Lança Doug de derrière la statue.

    Les yeux de l'Akuma pivotèrent pour se focaliser sur lui. Doug leva haut ses bras pour attirer son attention et se mit à courir.

    Ayant trouvé sa proie, les yeux de l'Akuma scintillèrent, et il sauta avec force du sol. Une aura menaçante, comme celle d'une bête affamée, se dégageait de son corps.

    Lavi, viens vite ! Doug pria avec ferveur tout en courant entre les statues dans une sorte de zigzag pour éviter que l'Akuma ne le vise. Quand je pense que lorsque le j'ai rencontré pour la première fois, j'ai pensé qu'il n'était vraiment pas digne de confiance.

    Lavi s'était approché avec un coeur verrouillé et un sourire qui n'était présent qu'en apparence. Doug avait même senti de la haine dans ses yeux...

    Une lance fut tirée, et une statue proche éclata en morceaux. Se débarrassant des débris de pierre, Doug continua à courir.

    Mais cette autre fois, lorsque Doug avait été poursuivi par un Akuma et s'était retrouvé tout seul, Lavi était venu pour le sauver, malgré le fait que Doug s'était caché à l'intérieur d'un bâtiment qui menaçait dangereusement de s'écrouler d'un moment à l'autre.

    Je ne comprends pas pourquoi, mais Lavi place de la distance entre lui-même et les autres, une distance qu'il ne franchira pas. Mais il ressent quand même des sentiments pour les autres. C'est pourquoi je suis certain qu'il viendra pour nous cette fois, encore !

    « Agh ! »

    Recevant l'une des lances sur elle, la statue devant les yeux de Doug explosa en morceaux. Doug, qui s'était arrêté par réflexe, rencontra les yeux de Serge qui s'était caché derrière. Ils restèrent immobiles pendant un instant, à court de mots.

    « Doug ! » Colette arriva en courant. Elle avait l'air désespérée, comme si elle avait été incapable de se cacher plus longtemps.

    « C'est trop dangereux, Colette, retourne là-bas ! ».

    Mais Colette se jeta dans les bras de Doug.

    « Colette ! Qu'est-ce que tu fais ici ? » Hurla Serge, mais à la vue de l'Akuma qui accourait, son visage se défigura. « Aahhh, vas t-en ! » Serge saisit fermement le bras de Colette et l'éloigna de Doug.

    L'action se produisit en un instant.

    « Ahh ! »

    Malgré le hurlement de Colette, Serge la releva et la maintint avec force devant l'Akuma.

    « Qu'est-ce que vous faites !? » En panique, Doug essaya d'écarter Serge de Colette. Cependant, peut-être parce que sa vie se trouvait sur une lame de rasoir, la force de Serge s'en trouvait redoutable, et il continua à s'agripper à Colette.

    « Vous utilisez cette fille comme bouclier ? Vous devriez avoir honte ! »

    « La ferme ! C'est ma domestique ! La façon dont je la traite ne regarde que moi ! » Cria Serge, de la bave s'envolant de ses lèvres. Ses yeux étaient injectés de sang, sa personnalité puérile et égoïste soudain révélée.

    Le corps de l'Akuma commença à briller.

    « Fais attention ! » Tombant à moitié, Doug se jeta lui-même devant Colette, qui se faisait utiliser comme un bouclier. Il écarta ses bras, protégeant Colette.

    Est-ce que mon corps supportera vraiment les coups ? Doug serra les dents et regarda fixement l'Akuma.

    Le corps de l'Akuma brilla une fois de plus.

    Doug avait l'impression que la Mort se tenait à côté de lui, élevant sa faux. Il sentit le désespoir monter en lui comme un raz-de-marée.

    Oh Dieu, s'il y a de la pitié dans Votre coeur, protégez au moins cette fille ! Juste au moment où Doug criait cela en son cœur, une voix familière résonna dans le jardin.

    « Doug ! Colette ! »

    C'était comme un rayon de lumière émanant des ténèbres.

    « Lavi ! » Hurla Doug du fond de son coeur, comme pour chasser son désespoir.

    Il vit des cheveux roux s'avancer vers lui tels une torche. Derrière Lavi, le Bookman était également visible, courant légèrement derrière eux.

    Alors il est vraiment venu pour nous ! « Lavi ! Fais attention ! »

    L'Akuma se tourna pour faire face à Lavi et au Bookman. Il envoya ses lances dans leur direction les unes après les autres comme des missiles.

    Lavi et le Bookman sautèrent du sol et fendirent légèrement les airs. Les lances allèrent se planter dans le sol vide.

    Ayant esquivé l'attaque, Lavi et le Bookman atterrirent devant Doug et Colette.

    « Vous allez bien tous les deux ? » Demanda Lavi.

    « Ouais, en quelque sorte. » Doug se sentait à la fois s'écrouler comme il se sentait soulagé.

    Ils étaient venus. Les seuls au monde qui étaient capable de parer les Akuma.

    « Désolé on est en retard ! Ces mecs étaient nombreux alors ça a pris un peu de temps ! » Dit Lavi.

    Lui et le Bookman observèrent intensément l'Akuma, qui avait fermement planté ses pieds au centre du jardin et émit un rugissement féroce.

    « Un Akuma Niveau 2. Un redoutable adversaire, Lavi. » Le Bookman regarda Lavi.

    Lavi rencontra son regard et fit un grand sourire. C'était un sourire assuré qui éloignait la moindre sensation de peur. « Laisse-le moi ! Mais avant ça... »

    Lavi s'empara du bras de Serge, qui utilisait encore Colette comme un bouclier. « Est-ce que tu te caches derrière une aussi petite fille ? » Lavi enleva le bras de Serge de Colette, puis baissa la tête vers lui et le regarda froidement tandis qu'il se refroidissait. « Tu ne mérites même pas qu'on te frappe. »

    Libérée de l'emprise de Serge, Colette se jeta dans les bras de Doug.

    « Vous deux, éloignez-vous d'ici et cachez-vous derrière une statue», dit le Bookman.

    Doug agréa aux mots du Bookman et prit la main de Colette.

    Lavi prit son marteau en main. Il le fit légèrement tourner, et tout d'un coup le marteau devint plus grand. « Toi prend soin de Colette ! » Tenant dans une main son marteau, qui faisait désormais la taille de son corps, Lavi s'avança vers l'Akuma.

    Tandis qu'il tenait la main de Colette, Doug regardait fixement la silhouette observatrice de Lavi. Le même ancien Lavi, ne montrant aucune ardeur particulière.

    Voir le visage désinvolte de Lavi était suffisant pour que Doug se sente soulagé. Doug laissa la tension s'évaporer.

    Serge tenta furtivement de s'enfuir du jardin, faisant réagir l'Akuma. Accomplissant un saut inimaginable pour un corps aussi colossal, il bloqua le chemin de Serge.

    « Ahhhh ! Sauvez-moi ! »

    Sautant entre Serge et l'Akuma, Lavi fit tourner son marteau sur les côtés. Le marteau fendit l'air, portant un coup direct à l'Akuma. Il y eut un son grave résonnant, et l'Akuma tituba.

    « Tu vas bien, Serge ? » Demanda Lavi.

    Serge lui répondit par un regard noir. « Qu... que faites-vous ici ? Vous êtes venus pour le diamant, n'est-ce pas. Merde, je leur avais dit de vous tuer, ces incapables ! » Serge devait se sentir déconcerté, car il hurla la dernière phrase pour lui-même, de la salive s'envolant.

    A quelques centimètres d'où il se tenait, l'une des lances de l'Akuma s'enfonça comme un javelot.

    « Aaah ! » Après un silence momentané, Serge sembla complètement perdre son sang-froid et laissa échapper un cri.

    « Alors c'est toi qui as embauché ces brutes ? » Lavi observa avec dégoût Serge qui tremblait. « Je n'ai pas envie de sauver des gens comme toi, mais malheureusement je suis un Exorciste. »

    Lavi souleva son marteau. « C'est mon travail de combattre les Akuma ! » Lavi sauta en direction de l'Akuma qui se précipitait vers lui la tête la première. « Ha ! »

    Faisant tourner son marteau haut dans le ciel, Lavi frappa son corps argenté avec un coup derrière lequel il avait employé toute sa force. L'Akuma s'envola comme une balle, se ramassant dans les arbres en tombant.

    « Oups... »

    Cependant, il ne semblait y avoir aucun signe de dommage lorsque l'Akuma resurgit immédiatement en sautant d'entre les arbres. Lavi avait senti son marteau porter le coup. Mais les lances recouvrant son corps n'arboraient pas la moindre égratignure.

    « C'est un Akuma vraiment fort. »

    L'Akuma se rétracta en une sphère à la manière d'une balle et commença à tourner sur place comme une toupie.

    « Ca arrive, Lavi ! »

     

    Au moment où le Bookman parla, des lances furent tirées dans une rapide succession depuis le corps de l'Akuma, qui se déplaçait à toute allure. Les lances tranchantes pleuvaient impitoyablement dans tous les sens.

    « Agh ! » Lavi s'accroupit sur un genou et utilisa son maillet comme bouclier. Les unes après les autres, les lances volantes se heurtèrent contre le maillet et rebondirent. Se maintenant fermement en place, Lavi se protégeait désespérément des dangereuses attaques.

    Les lances volantes s'enfoncèrent dans la terre pour encercler Serge, qui s'était rétracté dans une position fœtale, incapable de bouger.

    La pluie de lances s'arrêta. L'Akuma, désormais complètement vidé maintenant qu'il avait envoyé toutes ses lances, se balançait. Des projections tranchantes surgirent de son corps une fois de plus.

    Alors il était en train de se recharger. Lavi se releva rapidement. « A mon tour maintenant ! »

    Lavi sauta de toute sa force et s'envola haut dans le ciel. Avec la lumière de la lune qui scintillait dans les ténèbres de la nuit derrière lui, Lavi éleva haut son marteau.

    Dans un bruit de craquement, le marteau frappa, s'effondrant sur l'Akuma.

    Un rugissement assourdissant se fit entendre, et l'Akuma s'écrasa contre terre. Le sol se fendit, créant un large cratère, comme si une météorite était tombée.

    Tandis que des nuages de poussière s'élevèrent, Lavi fit un immense sourire et atterrit. « Voilà qui est fait. »

    « Imbécile ! » Fit la voix du Bookman avec dureté.

    Lavi réalisa que l'Akuma ne se trouvait plus au centre du cratère.

    « Au-dessus de toi ! »

    Au moment où Lavi leva la tête, il reçut un coup imprécis au visage. Le bandana autour de sa tête fut expulsé au loin et Lavi fut projeté au sol.

    *

    « Lavi ! »

    Lavi, ayant résisté à une attaque des griffes tranchantes de l'Akuma, resta penché. Le Bookman s'empara du bras de Doug fermement lorsque ce dernier voulut se précipiter vers Lavi. « Ceux qui ne sont pas Exorcistes ne doivent pas s'impliquer dans des combats contre des Akuma ! »

    Doug regarda le Bookman durement. « Mais je ne peux pas le laisser mourir comme ça ! » N'importe qui aurait pu remarquer que Doug était préparé à mourir.

    « Le panda a raison... laisse-moi me charger de ça. »

    « Lavi ! »

    Lavi se leva fébrilement. Un filet de sang s'échappait de son front. « Il est étonnamment agile pour un Akuma qui a l'air aussi lourd. Je me suis fait avoir alors que j'avais baissé ma garde. » Léchant le sang qui s'échappait de sa bouche, Lavi redressa son maillet une fois de plus. Un air sérieux, étranger au Lavi toujours blagueur, avait transformé son expression. Une tension l'entourait, une tension qui semblait capable de voler en éclats si on le touchait.

    Doug avala sa salive.

    « Alors tu commences enfin à te concentrer, idiot d'apprenti, » murmura le Bookman.

    « Grand maillet, petit maillet. » Lavi arrêta son marteau en pleine course. « Grandis, grandis... »

    Réagissant à ses mots, le maillet fut enveloppé de lumière. Une vibration confuse résonna.

    Lavi parla lentement. « Grandis. »

    Au moment où le mot quitta sa bouche, le marteau s'agrandit davantage.

    « Wouah ! » Un cri s'échappa involontairement des lèvres de Doug.

    C'était une scène remarquable. Le maillet, entouré de lumière, faisait maintenant la taille d'une maison. Lavi, qui avait à peu près la même corpulence que Doug, le tenait avec aisance. A cette vision extraordinaire, non seulement Colette, mais également Doug, qui avait déjà vu Lavi se battre auparavant, retenaient leur souffle.

    « Et maintenant, est-ce que tu peux toujours encaisser celui-là ? »

    Lorsqu'il vit le marteau de Lavi, l'Akuma rassembla progressivement les cristaux qui le couvraient en un seul, laissant ses jambes visibles. Les cristaux devinrent une unique lance gigantesque avec une pointe tranchante.

    Lavi observa l'Akuma, qui ressemblait à une étrange licorne. « Un concours de force ? Juste ce qu'il me fallait. »

    Lavi sauta.

    Il souleva son marteau pour rencontrer l'Akuma, qui se dirigeait droit sur lui.

    « Aaaaaugh ! » Utilisé comme une batte, le marteau entra violemment en collision avec l'Akuma.

    Avec un bruit de fissurement, des craquelures apparurent sur le corps de l'Akuma.

    « C'est la fin ! » Lavi frappa l'Akuma désormais immobile avec son marteau.

    Cliing... Avec un beau bruit net de destruction, le cristal de l'Akuma s'envola en morceaux. Lavi fit un sourire victorieux.

    Les fragments transparents éclatèrent, reflétant la lumière de la lune. Devant ce spectacle fantastique, semblable à des papillons argentés dansant avec vivacité, même le Serge qui s'était replié sur lui-même était charmé, sa bouche grande ouverte.

    Il semblait que Serge, par miracle, était sain et sauf malgré qu'il se soit trouvé au beau milieu d'une bataille féroce.

    Il a une chance de cocu. C'est bien vrai ce qu'on dit à propos des mauvaises herbes qui poussent, pensa Lavi.

    « Lavi ! Tu l'as fait ! » Tirant en même temps Colette par la main, Doug arriva en courant.

    « Hé, Colette, est-ce que ça a été ? » Demanda Lavi.

    « Oui. Doug m'a protégé, alors je vais bien. » Colette leva la tête vers Doug avec des yeux remplis de confiance.

    Lavi plaqua une main contre son front. « Mince, cette conversation à l'eau de rose est encore plus douloureuse que l'Akuma ! »

    Doug serra étroitement dans ses bras le Lavi au sourire désappointé.

    Lavi fut quelque peu surpris par la fervente étreinte de Doug, d'habitude si réservé. « Wow, Doug, tu n'enlacerais pas la mauvaise personne ? »

    « Merci. C'est grâce au Bookman et à toi que Colette et moi sommes toujours vivants. Je vous en suis vraiment reconnaissant. » Les bras de Doug se resserrèrent autour de Lavi.

    L'honnête gratitude de Doug remplit lentement Lavi de sa chaleur. Lavi tapota le dos de Doug. « Je suis un Exorciste. M'occuper des Akuma est mon travail. »

    « Est-ce que ça ira pour ta blessure ? » S'écartant, Doug mit une main sur le front de Lavi.

    « Ouais, c'est juste une égratignure. »

    « Mais vaincre un Akuma Niveau 2 aussi facilement... c'est incroyable, Lavi. »

    « Pas vraiment, ils sont assez faciles. » Lorsque Lavi gonfla sa poitrine, le Bookman le frappa sur la tête par derrière. « Ouch ! »

    « Ne prend pas la grosse tête, petit amateur ! »

    « Allons, allons, Bookman. Il l'a vraiment vaincu, après tout. »

    Le Bookman soupira violemment en entendant le plaidoyer de Doug. « Il est trop bête ! Et il s'est laissé avoir ! »

    A ce moment-là, Lavi marcha sur quelque chose de dur. En regardant de plus près, il vit qu'il s'agissait d'une chaîne en argent. Tout autour, des morceaux de diamant étaient dispersés.

    Il s'agissait du pendentif que Jérôme avait porté. Apparemment, lorsque Lavi avait vaincu l'Akuma, le pendentif s'était brisé en même temps que lui.

    « Alors, allons-nous-en. » Lavi tapota l'épaule de Doug.

    « Lavi. »

    Lavi se retourna vers la voix qui l'avait appelé. Colette le regardait intensément.

    « C'est la première fois que tu m'appelles par mon nom, Colette. Qu'est-ce qui ne va pas ? »

    « J'étais en train de penser que c'est tout comme Doug avait dit. Tu viendras forcément. Et tu vaincras l'Akuma, qu'il a dit. »

    Lavi regarda Doug avec surprise. Doug fit un sourire insouciant.

    « Merci, Lavi », dit Colette.

    A ses mots, Lavi relâcha sa poitrine sans honte. « En effet. Tu me dois une grande reconnaissance ! » Dit-il en exagérant largement, voulant se montrer ironique. La confiance absolue que Doug et Colette lui montraient lui apportait une sorte d'émotion chaude qui grandissait étrangement, ce qu'il tentait de cacher. « Bon, allons-y alors ! »

    Tous les quatre, avec Lavi en tête, quittèrent la forêt et ses chauves-souris volantes derrière eux.

    *

    « Lavi ! »

    Lorsque Lavi traversa les larges couloirs de la Congrégation, le Chef de la Section Scientifique Komui Lee l'appela de loin.

    Komui était un grand homme qui portait des lunettes. Il avait un air intelligent et doux, mais ses yeux perçants donnaient l'impression qu'il pouvait être une personne avec qui il était difficile de travailler.

    « Quoi ? » Lavi se retourna, et après avoir vu son visage, Komui eut l'air perplexe.

    « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? De quoi souris-tu ? »

    « Rien, c'est juste que j'ai entendu dire qu'un nouvel Exorciste avait rejoint l'Ordre ? »

    « Oh, tu veux dire Allen ? » Derrière ses lunettes, les yeux de Komui prirent un air amusé.

    « A quoi ressemble-t-il ? »

    « Il a l'air d'un garçon doté de bonnes manières, mais il a un grand coeur. »

    Assez comme Doug, dans ce cas. « Il n'est pas à la Congrégation en ce moment, pas vrai ? C'est bien dommage. »

    « C'est exact, je l'ai envoyé en mission dans la Ville Rembobinée. Je pense que nous le reverrons encore. »

    « Au fait, vous vouliez me dire quelque chose ? »

    « Oui... on m'a informé que Doug était arrivé au canal souterrain il y a peu de temps. »

    « Je vois », dit Lavi. Déjà une semaine s'était écoulée depuis l'incident. Lavi et le Bookman étaient retournés à la Congrégation le matin suivant devant Doug, qui en tant que Finder était resté derrière pour clôturer l'affaire. « Il va falloir que j'aille le voir plus tard. Je veux aussi lui poser des questions à propos de Colette. »

    « De quoi parles-tu ? » Demanda Komui.

    « Oh rien, je me parlais juste à moi-même. »

    Lavi ne put retenir un long sourire. Quelle expression avait eu Doug, si maladroit avec les filles, lorsqu'il lui avait tendu son cadeau ? Lavi voulait entendre tous les détails.

    Lavi retourna dans la chambre préparée pour lui à l'intérieur de la Congrégation. Il était souvent en dehors de la Congrégation, et la chambre, seulement utilisée pour dormir lorsqu'il y restait, était simple, comportant seulement un lit et une table. Elle était cependant spacieuse, et ne paraissait pas renfermée bien que Lavi la partage avec le Bookman.

    Je me demande ce que Doug va faire maintenant. Jambes et bras écartés sur le lit, Lavi repensa aux évènements de la semaine précédente.

    Il se souvint des mots de Colette, que Lavi avait raccompagné jusqu'au manoir après avoir vaincu l'Akuma. « Doug dit qu'il va payer mes dettes. On pourrait être capable de vivre ensemble, mais il m'a dit qu'il me protégerait toujours. » C'était le premier sourire véritablement heureux que Lavi ait vu chez Colette.

    « ... »

    Lavi se tenait sur le lit la tête en l'air. Il s'était complètement habitué à l'air froid et imposant de sa chambre, dans laquelle il s'était d'abord senti quelque peu dépaysé.

    Lavi se rendit compte qu'il se sentait comme chez lui.

    « Je suis ici depuis un moment, aussi... »

    Cela faisait deux ans qu'il avait rejoint la Congrégation de l'Ombre. Jusqu'à maintenant, il avait erré dans de nombreux endroits avec le Bookman. Cependant, ils n'étaient jamais restés à un seul endroit aussi longtemps auparavant.

    Doug, Komui, Lenalee, Kanda, Reever... les visages des membres de la Congrégation apparurent dans son esprit les uns après les autres.

    Avec une volonté de fer, Lavi chassa le sentiment peu différent du malaise d'avoir un toit qui demeurait dans son coeur. Il ne devait pas se faire de fausses idées. Ce n'était rien de plus qu'un logement temporaire auquel il appartenait pour le moment dans le but de recueillir la face cachée de l'Histoire. Il ne devait pas s'impliquer inutilement au niveau émotionnel.

    « Qui es-tu ? »

    La question qu'il s'était répété à lui-même des centaines, des milliers de fois.

    Je suis le successeur du Bookman. Tout ce que je fais est d'assister à l'Histoire avec les yeux d'un observateur impartial et la recopier. Interférer avec les acteurs est hors de question.

    Lavi ferma lentement ses yeux. N'importe qui aurait vu Lavi à ce moment-là aurait été surpris de son expression, comme celle d'une personne étrangère à l'habituel Lavi. La désolation gravée sur le visage de Lavi était profonde. Son habituel entrain et sa joie avaient disparu, et il émanait de lui une dureté que d'autres ne voudraient sûrement pas approcher.

    « Aaaagh ! »

    Un cri glaçant les veines atteignit les oreilles de Lavi, et il bondit hors de son lit. C'était un hurlement de mort, comme ceux que Lavi avait entendu un nombre incalculable de fois auparavant.

    Le quartier général de la Congrégation de l'Ombre était une forteresse sûre protégée par un immense gardien de porte. Ce genre de chose ne devait pas arriver dans un tel lieu.

    Lavi, sortant en trombe de sa chambre, échangea des regards appuyés avec les membres de la Congrégation qui avaient également accouru dans le couloir. « D'où est-ce que ça venait ? »

    « Je ne sais pas ! Mais ça devrait être par ici... »

    Lavi tourna à l'arrondissement du couloir et retint son souffle.

    « Ahh... » Le visage de Lavi se contorsionna à la vue de l'horrible spectacle. Il y avait une mare de sang dans le couloir, et des membres ensanglantés de la Congrégation s'étaient effondrés les uns au dessus des autres.

    Il n'y avait pas la moindre trace d'une personne ayant des intentions meurtrières. Il semblait que l'attaquant s'était déjà enfui.

    Pendant un moment, Lavi fut pris d'hésitation, mais il était déjà passé au travers de nombreuses scènes d'effusion de sang auparavant. Regagnant rapidement son calme, il toucha précautionneusement le corps d'un membre de la Congrégation qui était tombé.

    Son cœur ne battait plus. Il y avait un large trou dans le dos de l'homme. Ce devait avoir provoqué une blessure fatale. Il avait été transpercé par quelque chose de long et tranchant, comme une lance.

    Un assassin à l'intérieur de la Congrégation ? Impossible, un Akuma ?

    Une image de l'Akuma dans le corps de Jérôme, qui avait eu l'apparence d'un minerai de cristal, apparut dans l'esprit de Lavi. La blessure donnait précisément l'impression que l'homme avait été poignardé par l'un de ses projectiles de cristal.

    Impossible... je pensais l'avoir vaincu. Par ailleurs, les personnes à l'extérieur doivent passer par l'inspection aux rayons X du gardien de la porte pour pénétrer dans la Congrégation. Les Akuma ne peuvent pas entrer.

    Alors qui a fait ça ? Lavi regarda la scène tragique une fois de plus. Ca ne ressemblait pas au travail d'un être humain...

    « Informez-en Komui immédiatement ! » Ordonna Lavi à un membre de la Congrégation près de lui, puis il regarda dans le couloir.

    Des traces de pas sanglantes continuaient dans le couloir. Lavi suivit précautionneusement les trainées de sang.

    Tournant à l'arrondissement du couloir, Lavi retint son souffle. Un autre membre de la Congrégation s'étendait là, recouvert de sang.

    « Est-ce que ça va ? » Lorsque Lavi accourut auprès de lui et le souleva dans ses bras, l'homme ouvrit faiblement ses yeux. Son visage était pâle comme celui d'un mort... sa blessure était apparemment fatale. « Je vais appeler l'Equipe Médicale immédiatement, alors tenez bon ! »

    Les lèvres de l'homme tremblaient. « Doug... »

    « Quoi ? »

    « Doug est allé... de ce côté... » Du sang coulait de la bouche de l'homme.

    « Ne parle pas ! »

    Au moment où Lavi parla, la tête de l'homme s'inclina. Lavi exprima sa douleur en fermant silencieusement ses yeux, mais se redressa soudain. Son cœur battait à tout rompre.

    L'homme avait dit « Doug. »

    Lavi regarda dans le couloir. La chambre de Doug était sûrement par là ! Il imagina Doug mort et recouvert de sang, puis chassa rapidement la pensée inconfortable de son esprit.

    « Doug ! » Lavi commença à courir.

    Il est toujours si puéril. Quand on travaillait ensemble lors d'une mission il y a un an, il avait décidé là aussi de servir de lui-même comme appât afin de sauver un camarade Finder qui était blessé et qui avait été laissé derrière.

    La respiration de Lavi devint saccadée. Où est le vieil homme ? Tous les autres Exorcistes ont été envoyés en mission, je dois le faire !

    La porte de la chambre de Doug était ouverte. Lavi entra en trombe à l'intérieur.

    Une grande fenêtre ouverte... un jeune homme était seul dehors sur le balcon. Il portait un uniforme blanc. Il avait des cheveux noirs et une silhouette familière.

    « Doug ? »

    Doug se retourna lentement lorsque Lavi parla. Son uniforme blanc était tâché de sang. Il vit Lavi et sourit de soulagement. « Lavi ! Dieu merci. J'ai été attaqué par un homme étrange, et j'ai eu du mal à revenir sain et sauf ! J'ai cru que mon compte était bon. »

    Lavi se glaça, incapable de parler. Le désespoir remplit lentement son corps comme une froide eau noire.

    Il ne voulait pas y croire. Mais il ne pouvait pas baisser les yeux.

    « Qu'est-ce qui ne va pas, Lavi ? » Doug s'approcha de Lavi, semblant perplexe.

    Lavi secoua lentement sa tête. « Tu m'as un jour dit que tu connaissais une personne par la lueur dans ses yeux. Je... comprends enfin. »

    Doug l'observait avec une expression stupéfaite sur son visage.

    « Tu m'as connu comme un simple humain, et m'as traité en tant que tel... »

    En observant Doug, qui hochait la tête, une tristesse inexprimable s'engouffrait à l'intérieur de Lavi.

    « Mais à présent... » Lavi saisit silencieusement la poignée de son marteau. « Ce sont les yeux vides d'une machine ! »

    Lavi fit balancer son marteau, le faisant violemment traverser l'air. Doug esquiva doucement l'attaque féroce du marteau, sautant en un éclair sur le côté.

    Il était impossible que le Doug habituellement si lent ait pu parvenir à accomplir un tel exploit. Ca faisait mal à Lavi de devoir l'admettre, bien qu'il sache que c'était la vérité.

    Atterrissant en douceur sur le balcon arrière tel un chat, Doug fit un sourire féroce. C'était un sourire vulgaire que Lavi n'avait jamais vu chez Doug auparavant.

    « Doug. Tu les as tous tués, n'est-ce pas. »

    Il n'y avait pas de gardien de porte aux écluses dans le canal souterrain. C'était la façon dont un Akuma s'était introduit sans que personne ne l'ait remarqué. Oui, tout prenait sens maintenant.

    « Dommage... j'avais prévu de tuer les gens d'ici petit à petit et détruire complètement la Congrégation de l'Ombre. Mais j'ai été découvert plus tôt que prévu. » C'était une chauve-souris noire volant tout près de Doug qui parlait. Vue de plus près, la tête de la chauve-souris avait la forme d'un crâne.
    Ca n'avait vraiment rien d'une chauve-souris normale.

    « Qu'est-ce que t'es au juste !? »

    « Je suis le messager du Comte, Dobie. Enfin, disons que je continue de surveiller. » La bouche de Dobie s'agrandit largement. Il y avait une rangée de canines aiguisées à l'intérieur.

    Agitant ses ailes, Dobie révéla ses canines et attaqua Lavi.

    « Aahh ! » Lavi se détourna de Dobie, qui s'était dirigé sur son visage, et parvint malgré tout à esquiver. Dobie tourna facilement en l'air et se dirigea vers Lavi une fois de plus. Sa bouche se transforma en une moue moqueuse.
    « Et maintenant, montre-lui ton pouvoir ! »

    Un bruit grinçant résonna dans l'air. Un puissant spasme parcourut le corps de Doug. Quelque chose de gris foncé, ressemblant à des ailes de métal, surgirent du dos de Doug. Elles enveloppèrent silencieusement le corps de Doug par derrière. Ses bras et jambes furent également recouverts d'une matière ressemblant au métal. Les substances étaient devenues une seule et même armure. Sur le visage de Doug se présentait un masque de métal.

    Doug sortit sa main, et un bouclier rond ainsi qu'une longue lance émergèrent de l'armure.

    C'était comme s'il portait les ornements d'un cavalier.

    Des yeux froids scintillèrent d'une fente dans le masque. Son armature, son sens clair de la distinction... il s'agissait d'un Akuma qui avait évolué au Niveau 2.

    Chaque fois qu'un Akuma tuait quelqu'un, il obtenait un niveau supérieur en tant qu'arme.

    Comment pourrait-il devenir un Akuma et tuer autant de personnes en seulement l'espace d'une semaine !? Sachant que c'était inutile, Lavi ne put s'empêcher de crier : « Qu'est-ce qui s'est passé, Doug !? »

    Il ne pouvait pas y croire. Lavi avait vaincu l'Akuma, et ils étaient supposés avoir rempli leur mission sans laisser de failles. Alors pourquoi Doug était-il devenu un Akuma ? Si Doug était la peau de l'Akuma, cela signifiait que Doug avait rappelé quelqu'un qui était mort.

    Pourquoi quelqu'un à la Congrégation de l'Ombre, qui ne connaît que trop bien sa futilité et son horreur, aurait fait une chose pareille !?

    « Il est allé à la Statue de la Déesse de l'Aube, celui-là l'a fait ! » Dit Dobie, riant. Cette petite fille est morte et, voulant faire une dernière tentative, il a essayé de provoquer un miracle ! »

    « Que... »

    Ne laissant pas passer l'ouverture que le Lavi choqué lui avait laissée, le cavalier envoya sa lance.

    « Aaahh ! » S'écartant du sol du balcon, Lavi sauta en dehors de l'endroit. « Est-ce que tu parles de Colette !? Est-ce que Colette est morte !? Pourquoi !? »

    « Ce fils idiot de l'homme qui s'était transformé en Akuma l'a suspecté d'avoir volé le pendentif en diamant. Cet idiot de fils l'a étranglé jusqu'à ce qu'elle meurt, dans un excès de force ! » Déclara Dobie en remuant sans cesse ses ailes agitées.

    Le diamant que Lavi avait brisé en même temps que l'Akuma.

    « Il n'y a pas de Dieu... il n'y en a pas besoin. Pas besoin... d'aucun », fit une voix emmitouflée. Le cavalier s'approcha avec un bruit lourd de froissement de métal. Une voix désespérée qui donnait l'impression qu'on pouvait entendre une malédiction du masque de métal.

    Dobie observa le cavalier avec réjouissance. « Héhé... les vents du désespoir soufflent à travers le monde. Nous allons créer un nouveau monde à partir de ce monde pourri. »

    « Détruire, détruire, détruire, détruire... détruire... » De la fente dans le masque de métal, deux yeux d'une lueur brillante oppressaient Lavi.

    Colette... la fillette malchanceuse qui avait fini par ouvrir son cœur à Doug. Tuée pour un crime infondé, puis ramenée dans ce monde, l'âme de la fillette devait avoir été déchirée en morceaux.

    Comme ça avait du être douloureux lorsqu'elle a été tuée. Lorsqu'elle avait finalement été appelée par les cieux puis avait été rappelée et transformée en Akuma... comme elle devait avoir souffert.

    L'âme de Colette avait été brisée, puis emprisonnée par des chaînes. Plus aucun mot ne l'atteindrait.

    Lavi fixa les yeux emplis de haine de l'Akuma avec une émotion insupportable.

    « Vous les dénommés apôtres de dieu qui étaient si compétents au début... Je vous abattrai tous ! Aller ! »

    Comme contrôlé par la voix de Dobie, le cavalier commença à tirer. « Meurs meurs meurs meurs meurs... !! »

    Un cavalier bouillonnant de haine et gouverné par l'envie de tuer.

    Doug, tu n'as jamais voulu cette tragédie.


    Espèce d'idiot. Je ne t'ai même pas fait confiance une seule fois dans mon cœur. Mais tu as eu tellement confiance en moi.

    Idiot. Quel idiot, de mourir si tôt.


    Les évènements qui avaient été révélés après qu'il soit retourné à la Congrégation de l'Ombre firent surface dans l'esprit de Lavi.
    Doug, se précipitant vers Colette avec un ruban blanc en main. Son cœur avait sûrement bondi en imaginant le visage enchanté de Colette.

    Mais ce qu'il avait vu avait été Colette étendue de côté, ne respirant plus. Qu'est-ce que Doug avait pensé lorsqu'il avait soulevé son petit corps et s'était dirigé en direction de la forêt, s'accrochant à un dernier espoir ?

    Il n'existe aucun Dieu... c'est ce qu'il avait du pensé.

    Doug devait avoir crié devant la Statue de la Déesse de l'Aube. Crié le nom de Colette un nombre incalculable de fois, avec l'impression de cracher du sang. Se reposant sur une chance sur un millier.

    Doug avait été un garçon qui approchait chaque chose de manière sérieuse, douce, maladroite. Quelque fois il faisait tellement preuve de compassion que cela tendait à devenir sa faiblesse.

    « Idiot... tu n'es vraiment qu'un idiot. » Lavi ferma son œil en silence. « La statue de la Déesse de l'Aube était une rumeur propagée par le Comte pour avoir l'avantage sur les sentiments des gens qui avaient perdu les être qui leur étaient chers, pas vrai. »

    « Ouais, c'est vrai. C'est un pièce pour attirer les humains idiots ! » Dit Dobie fièrement, tournant à droite, à gauche.

    C'était vrai, Serge avait dit que le diseur de bonne aventure avait une chauve-souris avec lui. Et un bon nombre de chauves-souris étaient effectivement apparues par-ci par-là dans la forêt. Le servant du Comte Dobie avait du se trouver parmi elles.

    Lavi ouvrit lentement son œil. Je le vaincrai. Ainsi que Doug et Colette, qui sont également devenus un Akuma.

    Une aura qui brûlait comme une flamme s'éleva du corps de Lavi. Le simple fait de le regarder était suffisant pour faire diminuer la volonté de qui l'observait, suffisant pour faire courir des frissons le long de l'échine de ses ennemis.

    Cependant, en parlant d'un air triomphant, Dobie ne remarqua rien. « Il a tué tellement de personnes en l'espace d'une semaine seulement, et maintenant voilà qu'il est devenu un superbe Akuma de Niveau 2. Regarde, son... »

    « La ferme. »

    Dobie ne remarqua l'œil empli de rage de Lavi, tel une flamme écarlate, que trop tard. Le marteau de Lavi se balança... le corps de Dobie éclata et se dispersa en l'air. Lavi fit tourner son maillet une dernière fois et le releva.

    Il y eut un lourd bruit de métal lorsque le cavalier souleva sa lance. L'arme sinistre qui avait pris les vies de nombreux membres de la Congrégation était pointé droit vers Lavi.

    Ce n'est pas Doug. Il s'agit d'un Akuma, se dit Lavi. Et je suis un Exorciste. Un de ceux qui détruisent les Akuma. « Grand maillet, petit maillet, grandis, grandis, grandis ! » Il activa son Innocence, et son marteau devint immense en l'espace d'un instant.

    Le maillet en main, Lavi fit face au cavalier. « Ha ! »

    Lavi fit balancer son marteau en un large arc de cercle, mais le cavalier bloqua l'attaque avec son bouclier.

    Envoyé dans les airs en même temps que le bouclier, Lavi soubresauta en l'air et parvint malgré tout à atterrir.

    « Qu'est-ce que tu dis de ça ! » Lavi fit face à la tête du marteau par au-dessus et se tint à sa poignée. « Grandis, grandis ! » La poignée s'allongea, et Lavi resserra son emprise sur le marteau.

    « Prend ça ! » Lavi attaqua le cavalier en le frappant par le haut – ou du moins essaya. Cependant, le marteau s'enfonça droit dans le mur.

    Le cavalier l'esquiva à peu de choses près. Les Akuma de Niveau 2 étaient plus qu'un simple divertissement. Non seulement ils étaient lourdement équipés, mais ils étaient également dotés d'une grande habileté.

    « Merde ! »

    Le cavalier dressa sa lance et chargea Lavi.

    En le cavalier, Lavi vit Doug.

    Il est venu en me faisant face, en me demandant de le regarder avec sincérité quand je lui parlais.

    Lorsque Lavi revint à lui avec frayeur, le cavalier était juste en face de lui.

    Je ne peux pas esquiver ! Recevant un coup féroce, Lavi fut envoyé en l'air.

    Il se reçut le mur de plein fouet et se cogna au sol. « Aahh... »

    Une douleur tranchante traversa son dos, mais Lavi parvint à expirer. La douleur était telle qu'il avait l'impression de rendre ses entrailles.

    Il était malgré tout parvenu à se protéger lui-même contre le sommet de la lance, mais il s'était reçu l'attaque d'une puissance vertigineuse de front.

    Se relevant en tremblant, Lavi vit le Bookman, qui s'était approché de lui un moment. Le Bookman n'accourut pas vers Lavi, il le fixa juste avec un regard froid.

    « Qui es-tu ? »

    Je suis le successeur du Bookman. N'habitant nulle part, mon cœur resté immobile...

    Le cavalier était venu pour Lavi une fois de plus.

    « Aller viens ! » Lavi saisit son marteau et courut vers le cavalier. Il y eut un bruit de métal acéré lorsque la lance et le marteau se croisèrent. Ni le cavalier ni Lavi ne recula d'un seul pas, et un impitoyable concours de force commença alors.

    L'habituelle voix résonna en écho au fond de la tête de Lavi.

    « Que sont les Akuma ? »

    Les Akuma sont des armes maléfiques créées par le Comte.

    La force du cavalier augmenta progressivement. Lavi serra les dents.

    « Que sont les Exorcistes ? »

    Ceux qui repoussent les aspirations maléfiques du Comte Millénaire, qui essaye de détruire le monde. Ceux qui utilisent l'Innocence pour vaincre les Akuma.

    Lavi pouvait voir les deux yeux scintillant d'une lueur bleue dans le creux du masque de métal. Des yeux du même bleu que ceux de Doug...

    « Je ne te le demanderai qu'une seule fois. Qui es-tu ? »

    Je suis le successeur du Bookman ! C'est pourquoi je ne m'attache pas aux autres. Je me fiche de Doug ! Ca ne m'affecte pas ! Oublie ça ! Oublie ça !


    Je suis aussi un Exorciste. Vaincre les Akuma en face de moi est mon travail ! Ce n'est pas Doug ! Cette chose n'a rien à voir avec Doug !!


    « Aaaaaaaaahhh !! » Se dégageant de l'impasse, Lavi fit balancer son marteau, le cavalier sa lance. A l'instant où Lavi sentit son marteau envoyer le coup, une douleur acérée parcourut sa joue. Lavi venait d'esquiver l'attaque de la lance de justesse. Il aurait été plus lent et la peau de sa joue aurait été arrachée.

    Je sens quelque chose d'humide sur mes joues. J'imagine que je suis blessé. Mais ce n'est qu'une égratignure. Rien de sérieux. Lavi resserra son emprise sur le marteau.

    Lavi ne s'en était pas rendu compte. L'humidité sur ses joues n'était pas du sang, c'étaient des larmes.

    Le Bookman surveilla simplement Lavi en silence.

    Lavi étendit sa main qui tenait le marteau en l'air, comme s'il essayait d'atteindre les cieux. « Je vais en finir avec ça ! »

    Autour du marteau qui était élevé haut dans les airs, une forme ressemblant à un sceau circulaire fit surface et commença à s'enrouler autour du marteau. A l'intérieur des sceaux se trouvaient les symboles du Feu, de l'Eau, et d'autres éléments.

    Les souvenirs de Lavi de ses moments passés avec Doug traversèrent son esprit.

    Doug lorsque je l'ai rencontré pour la première fois. La façon dont il a vu à travers mon faux sourire et m'a envoyé un regard noir.


    Doug lorsqu'on s'est battus ensemble. Il est parti en accourant de lui-même, écartant un Akuma pour sauver un compagnon en danger. Je m'en souviens toujours parfaitement. La façon dont j'ai couru dans un bâtiment en train de s'effondrer pour le sauver. Le regard surpris de Doug quand je l'ai trouvé – et la façon dont son regard s'est empli de confiance.

    Et Doug lorsque je l'ai rencontré il y a un an. Doug, qui m'a regardé droit dans les yeux. Doug, qui s'inquiétait pour Colette. Doug, qui est accouru et m'a enlacé.


    Les souvenirs devinrent un flot, et ils commencèrent à tourner dans l'esprit de Lavi. Il voulait crier à en faire exploser sa gorge.

    Lavi trembla violemment. Doug ! Il concentra toute sa volonté pour balayer ses souvenirs de Doug.

    Lavi cala fermement ses pieds et hurla : « Innocence, seconde sortie... sceau ! » Il frappa l'un des sceaux, le Feu, qui s'enroula autour de son marteau. « Sceau de Feu ! » Le symbole du feu apparut sur le côté du marteau de Lavi.

    Lavi sauta pour se retrouver assez haut et abaissa le marteau aussi fort qu'il put sur le sol. Un Sceau de Feu de dix mètres de diamètre y apparut et commença à briller.

    « Flammes enragées... Sceau de Feu. » Au moment où Lavi récita silencieusement ces paroles, un énorme pilier de flamme rugit au dessus du pied du cavalier.

    Le pilier de flamme enragé enveloppa le corps du cavalier en un instant. La flamme devint un serpent qui avala le cavalier, le faisant trembler violemment, et le réduisant en cendres.

    La tragédie de Doug et Colette devint poussière.

    Au moment où l'Akuma s'était volatilisé, Lavi avait cru voir le visage de Colette pendant un instant.

    Lavi ferma silencieusement son œil. Il tremblait – un profond épuisement l'oppressait, et il s'agenouilla sur le sol. Chaque fois qu'il respirait, une douleur affreuse l'assaillait. Il pouvait seulement gémir des blessures profondes dans son corps – non, dans son cœur.

    Serrant les poings et repoussant la douleur, Lavi remarqua qu'un ruban blanc se tenait à ses pieds. Lavi le ramassa silencieusement.

    C'était un ruban à lacets aussi clair que l'aube. Il était comme un symbole de la vie éphémère de la fille qui aurait du le recevoir. Et de la vie de celui qui le lui aurait donné.

    Une petite fille de onze ans et un garçon de dix-huit ans avaient été perdus pour toujours. Aucun d'entre eux ne lui sourirait plus jamais. Il ne pourrait pas même les revoir...

    Lavi parvint quelque peu à ravaler le morceau chaud et amer qui s'élevait du fond de son cœur.

    « Lavi. » Le Bookman s'approcha silencieusement.

    « Quoi. »

    « Bon travail. »

    Lavi hocha silencieusement la tête aux mots de son maître par respect. Au coin de son œil, une trainée laissée par des larmes était restée.

    *

    Le matin suivant, Lavi s'assit sur le lit, attendant passivement le retour du Bookman. Komui avait appelé le Bookman dans son bureau.

    Un assez long moment devait avoir passé. On frappa à la porte, et Komui ainsi que le Bookman entrèrent dans la pièce.

    « Merci pour ton travail hier. Grâce à toi, nous nous en sommes tirés sans trop de dommages. »

    « Ouais... » Bien qu'il hochât la tête aux mots de Komui, Lavi ne sourit pas.

    Komui remarqua que Lavi tenait un ruban blanc. « Qu'est-ce que c'est que ça ? »

    « Oh. » Lavi semblait remarquer le ruban pour la première fois. « C'est... une des affaires de Doug. » Il sourit faiblement. C'était un sourire à en serrer le cœur de n'importe qui l'aurait vu. « Je vais le mettre sur la tombe de celui qui devrait l'avoir. »

    « Je vois. » Komui baissa le regard silencieusement. « Doug était un excellent Finder. Ce qui s'est produit est regrettable, sincèrement. »

    « On ne peut rien y faire. C'est la guerre. »

    Les yeux de Komui s'élargirent de surprise pendant un moment aux mots visiblement détachés de Lavi. « Je m'excuse de te demander ça alors que tu es si fatigué, mais je voudrais que tu enchaînes avec le boulot suivant. »

    « Où ça cette fois ? »

    « La Ville Rembobinée en Allemagne. »

    « Bien. » Je m'en fiche d'où nous allons. Je suis le successeur du Bookman, après tout.

    A ses côtés, le Bookman le regardait avec des yeux perçants.

    Ne t'implique pas plus que nécessaire émotionnellement avec les autres, n'interviens pas...

    Nous sommes les observateurs de l'Histoire.

    C'est la loi qui détermine le destin de ceux qui deviendront Bookman.

    C'est ce que ses yeux ont dit à Lavi.

    Lavi évita les yeux du Bookman.

    *

    Passant une main dans ses cheveux roux flammes, le garçon ferma l'œil qui n'était pas recouvert par un cache-œil.

    En un instant, l'obscurité arriva.

    Dans le monde noir comme du charbon, sans lumière, une voix grave demanda :

    « Qui es-tu ? »

    Celui qui succédera au Bookman.

    « Qui est le Bookman ? »

    Le Bookman se promène à travers le monde, poursuivant l'Histoire.

    « Comment doit être un Bookman ? »

    Il doit être comme une rafale de vent. Le vent ne reste jamais à un seul endroit. Il ne ressent rien pour les endroits par lesquels il est passé. Il continue juste d'errer...

    « Je ne te le demanderai qu'une seule fois. Qui es-tu ? »

    Je suis le successeur du Bookman. Mon nom actuel...

    ...Lavi.



    FIN.

     

     


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